Où l’on (re)parle d’écroulement de montagnes, de ski sous cloche, de soupçons de prise illégale d’intérêts et de cimetières de canons…
De la neige en été, ma dernière chronique pour Là-bas si j’y suis en intégralité pour abonnés ici.
Extrait vidéo :
On a beaucoup parlé du sort des ours blancs en matière de climat et de réchauffement. C’était mignon, mais c’était loin. Et puis ça s’est rapproché, et c’est devenu moins mignon : les inondations et ouragans ont frappé en gros plan. Voici une autre face cachée du climat, celle qui se passe en montagne : et cette fois c’est dans les Alpes, juste là, à côté.
Fin août, Bondo, petit village entre la Suisse et l’Italie, a été enseveli sous 4 millions de mètres cube de montagne et de boue. Le ressenti a été équivalent à un séisme de magnitude 3. Huit randonneurs sont morts. En cause, les températures caniculaires de ces dernières années : en Suisse la température a augmenté en moyenne de 2°C depuis 1864. Et petit à petit elles font fondre le « permafrost », la partie de la roche qui reste gelée en permanence et sert de « ciment » à la montagne. Bien sûr des écroulements il y en a déjà eu. Mais jamais à ce rythme : ça s’aggrave et ça risque de ne pas s’arranger.
Las, au lieu d’anticiper on fonce dans le mur : depuis la première Loi Montagne de Giscard, les politiques publiques n’ont pas beaucoup évolué. Le puissant lobby du ski est aux manettes et arrose d’argent public et de canons à neige les stations qui ne représentent que 3 % du territoire, pour des skieurs de plus en plus fortunés qui ne représentent que 7 % de la population. Mais ça rapporte, sur fond de conflits d’intérêt, de vitrine commerciale pour le marché chinois et de gros business.
Alors ils financent… Des pistes sous cloche pour skier en plein été à Tignes, des canons qui endettent les stations et risquent fort de ne pas fonctionner longtemps : pour un hectare de neige artificielle (ou « de culture » comme ils disent, ça fait plus chic) il faut 4.000 mètres cube d’eau, 25.000 kilowatts et surtout une température comprise entre -10 et 2°C. Il ne fera pas assez froid pour ça : au Col de Porte, dans l’Isère, la température a pris +1,9°C en 46 ans. Les études montrent toutes que le climat se réchauffe, les plus récentes prévoient qu’en 2100 il n’y aura plus une seule station sous 2.500 mètres d’altitude. Autant dire que ce n’est pas gagné. On va bientôt voir fleurir en montagne des cimetières de canons qu’on n’aura pas fini de payer.
Et si on essayait pour une fois d’anticiper, d’aider l’économie montagnarde à se diversifier, de regarder aussi du côté de la montagne vierge, déconnectée, préservée, et d’arrêter de n’y voir qu’un terrain de jeux pour téléportés ?