Diable, comme tout va vite en ce moment… Après un week end sous le signe de l’internationalisme, au sommet du Plan B à Lisbonne et en vidéo pour l’ouverture du premier Congrès des camarades écosocialistes du mouvement belge Demain, je manque de temps pour rendre compte de toutes mes activités. Mais celle-ci est majeure et mérite largement ce billet. Je pars ce soir en Corée du Sud pour une mission de dix jours.

Un sejour au cours duquel je vais “voir, apprendre, comprendre un peu, être émue, rire” comme l’écrit Nicolas Bouvier – mais surtout porter notre programme L’avenir en commun, témoigner en tant que conseillère régionale auprès des futurs candidats aux élections locales, et présenter à l’Université Yonsei de Séoul le Manifeste des 18 thèses pour l’écosocialisme. J’en suis évidemment ravie.

Je suis invitée en Corée du Sud par le PDP, le Parti démocratique populaire, qui avait déjà invité notre camarade François Delapierre en 2011. C’est également eux qui nous avaient fait rencontrer l’an dernier les syndicalistes de Samsung lors de leur tournée en Europe : j’en avais fait un papier pour la revue du PG, L’Intérêt Général.

Tout ceci dans le contexte géopolitique qu’on connait en ce moment en Corée, et avec un nouveau gouvernement plus démocratique et progressiste, après la destitution de la Présidente corrompue, avec également un changement partiel de constitution qui pourrait intervenir en même temps que les élections territoriales…

Bref, ça promet d’être dense, et absolument passionnant.

Mercredi 25 octobre, je rencontrerai à Séoul des militants qui se battent contre l’installation d’un funiculaire de 3,5 kilomètres, entre la Région de Gangwon et Séoul, au Mount Seoraksan National Park, une véritable réserve de biodiversité reconnue par l’Unesco depuis 1982 . Le territoire de Gangwon est constitué à 82% de montagnes, la plupart protégées des activités économiques pouvant l’impacter, à l’instar de nos parcs nationaux.

Ce projet, relancé dans le cadre des prochains JO d’hiver en Corée du Sud, a déjà rejeté deux fois en 2012 et 2013 par le Comité ministériel du Parc National. La construction de ce funiculaire menacerait notamment une espèce menacée de petites antilopes ressemblant à des chamois, les gorals (ou Nemorhaedus littéralement, « chevreaux de clairières »). Et comme souvent dans ce genre de projet, il semblerait que les retombées touristiques et économiques soit sur-estimées, et les coûts sous-évalués, ce qui fait écrire au Korea Herald qu’on pourrait bien avoir là « a white elephant, not the goose that lays golden eggs » : un nouvel éléphant blanc plutôt que la poule aux œufs d’or. Si cela vous rappelle Europa City, Center Parcs et autres, rien de plus normal. L’internationale des GPII trouve une nouvelle confirmation, hélas.

La journée se poursuivra avec une rencontre avec la direction du PDP (Parti Démocratique Populaire) à Séoul, suivie à 19h30 d’une conférence que je donnerai à l’Université de Yonsei à Séoul sur « La crise de l’environnement dans le système capitaliste » où je présenterai l’écosocialisme comme je l’avais fait à Tokyo.

Jeudi 26, je prendrai le train jusqu’à Pyeongchang pour visiter le chantier de construction des Jeux olympiques d’hiver de 2018, qui génèrent au moins autant de questions que notre projet de JO 2024 à Paris, sur fond de corruption.

Vendredi 27, un autre train pour me rendre à Okcheon, un petit village au coeur de la campagne, connu en Corée pour ses expérimentations locales (dispensaire, agriculture, auto-suffisance…). J’y tiendrai une réunion à 19h pour échanger sur nos diverses expériences des collectivités territoriales.

Samedi 28, j’interviendrai à 10h en Forum à Séoul sur le thème « Que faire pour le nouveau système des collectivités territoriales, partage d’expériences internationales » sous la forme d’un débat avec M. KIM Jangmin, chercheur de l’Institut politique-économique. Je reprendrai ensuite un train vers Seocheon où je rencontrerai les habitants en séminaire à 17h sur le thème “Comment construire des collectivités territoriales progressites”. Seocheon est une destination empreinte de l’histoire Confucéenne, mais aussi de forêts, de mer et de montagnes où se trouvent notamment l’Institut national d’Écologie et l’Institut Coréen de biodiversité marine.

Dimanche 29, je visiterai la base militaire Etats-Unienne de Pyeongtaek puis je rencontrerai l’institut pour la réappropriation des bases militaires américaines : Osan Air Base, utilisée conjointement par les Pacific Air Forces et l’armée de l’air sud-coréenne et Camp Humphreys, utilisé par l’United States Army, une ancienne base de l’Armée impériale japonaise qui avait bien saisi la situation stratégique de Pyongtaek dès 1919, à proximité de la Chine et en particulier de Pékin, permettant de mener des raids sur toute la côte Est de la Chine et de surveiller le sud de la Sibérie.

Lundi 30, je rencontrerai les syndicalistes de Samsung, puis à nouveau le train pour aller à Jeongeup rencontrer les militants, les habitants et les étudiants sur place. Nous serons dans le Parc National de Naejang-san, connu pour couper le souffle en Automne…

Mardi 31, je me rendrai directement de Jeongeup sur l’île volcanique de Jeju (ou Chedju), la plus au Sud de la Corée. Située en pleine Mer de Chine Orientale entre Shangai et le Japon, Jeju attire chaque année 4 millions de visiteurs de Corée, du Japon et de Chine. C’est une île au climat subtropical, placée sous le symbole de la porteuse d’eau, des oranges et des mandarines qui y sont cultivées. J’y rencontrerai, tout au Sud de l‘île, des militants au village de Gangjeong.

Et enfin jusqu’au 3 novembre, date de mon départ, j’aurai deux jours entiers pour me perdre dans les rues de Séoul.

On m’a offert le Journal d’Aran de Nicolas Bouvier, pour son carnet Les chemins du Halla-san, “the old shittrack again”, qui se déroule en Corée et dont la quatrième de couverture m’avait d’emblée séduite : “J’étais en train de me dire ‘Qu’est ce que j’ai au monde à foutre ici ?’ lorsque, sur un caprice du ciel, la lumière de fin d’après-midi est d’un coup devenue très belle“. Au final, il m’a donné envie d’aller en Irlande avec son Journal d’Aran. En réalité, je crois que Nicolas Bouvier est l’écrivain voyageur le plus réjouissant qui soit. Il donnerait envie d’aller n’importe où.

J’emporte avec moi  les Teintes d’Automne de Thoreau pour me réconcilier avec les longs sanglots monotones des feuilles mortes à Jeongeup ; La végétarienne de Han Kang – une écrivaine qui était notée sur liste noire durant la présidence de Park Geun-hye – pour me perdre avec Yonhye, cette femme qui se laisse sombrer dans une folie florale et érotique en rêvant de devenir végétale et de se perdre dans l’existence calme des arbres et des plantes ; Shim Chong, fille vendue, de Hwang Sok-Yong, la « Nana coréenne » qui refuse sa condition dans les fumées d’opium ; et La chambre solitaire de Shin Kyung-sook, récit d’une petite campagnarde devenue ouvrière à Séoul qui, dans sa petite chambre, produit de grands rêves…

Photo Mount Seoraksan sous licence Creative Commons Attribution 3.0 Gary4now