Nous voulons donner à Rhône-Alpes Auvergne un autre avenir.

Réponse à Jean-Jack Queyranne

Die, le 19 mai 2015

Bonjour,

Par un courrier que vous nous avez adressé le 11 mai et que vous avez rendu public dès le 12 mai, vous demandez qu’une rencontre puisse avoir lieu entre nos deux organisations politiques en vue d’une alliance dès le premier tour des régionales.

Permettez-nous tout d’abord de regretter la médiatisation immédiate de votre courrier qui nous fait nous interroger sur sa sincérité. Et ce, d’autant que, comme vous le rappelez, vous avez déjà été investi tête de liste, que les grands axes de votre programme sont déjà ficelés, et vos listes déjà soumises au vote des adhérents du PS. Voici quoiqu’il en soit nos éléments de réponse sur les différents points soulevés, que nous nous permettrons donc de rendre publics à notre tour.

Tout d’abord, dans notre conception de la politique, les contours d’une alliance doivent être définis non par des cartels politiques traditionnels, mais par un projet commun. Or tout au long de ce mandat depuis 2010 nous avons pu constater nos nombreux désaccords sur différents dossiers, encore aggravés par l’arrivée à la présidence de la République de Monsieur Hollande en 2012 et par la politique d’austérité qui s’en est suivie, émaillée de trop nombreux reculs d’essence libérale, tant sur le plan social qu’environnemental. Nous n’en ferons pas la longue liste ici pour nous concentrer sur l’aspect régional, mais celui-ci en est fatalement impacté. Nous pensons notamment aux personnels territoriaux et aux collectivités pour lesquelles la région doit être un point d’appui, aux habitants des zones délaissées et aux services publics de proximité : ils n’ont pas à faire les frais de budgets de plus en plus contraints par l’austérité imposée par l’Union européenne et relayée par le gouvernement.

A la Région Rhône-Alpes que vous avez présidée durant déjà deux mandats, que ce soit en matière d’aides économiques, de mode de gouvernance de la Région et plus globalement d’une vision de ce que devrait être le bien vivre dans notre Région pour tous ses habitants, nous avons rencontré de nombreux points d’achoppement qui se sont à plusieurs reprises traduits par des votes différents. Comment pourrions-nous faire un “bilan commun” comme vous nous y invitez, quand nos orientations ont été si différentes ? Les citoyens n’y croiraient pas, et ils auraient raison. Cessons de créer des façades de circonstances. Un jour vous traitez les écologistes d’Amishs, le lendemain nous devenons des alliés ? Avouez qu’il ne serait pas raisonnable de nous présenter devant les électeurs déjà bien fatigués des jeux politiciens en commençant par leur proposer une illusion d’unité.

Concernant le programme, deux de vos points portent sur l’union de nos deux régions et l’égalité territoriale. Il faut en parler en effet ! Mais que ne l’avons-nous fait avant que soit adoptée cette réforme territoriale décidée d’en haut, par le Président de la République, et qui n’a associé ni les habitants, ni les élus de proximité ? Le phénomène de concurrence entre les territoires et de métropolisation sont dans la droite ligne de la politique de pôles de compétitivité que vous avez par ailleurs toujours encouragée. Parlons de l’emploi également : votre politique régionale a fait le pari de cette mondialisation à laquelle vous parlez de “résister” dans votre courrier. Les aides publiques régionales, directes ou indirectes, accordées à de grands groupes privés qui réalisent des profits, délocalisent, ou se domicilient dans les paradis fiscaux, en pleine période de restriction budgétaire, non seulement est indécente, mais elle n’a pas porté ses fruits. Le modèle de rayonnement à l’international ne peut pas être l’alpha et l’omega du soutien à nos acteurs économiques régionaux. Trop de fonds publics y ont été consacrés, sans effets. Ils doivent désormais être réorientés pour permettre la relocalisation des activités.

Vous parlez à ce sujet de “transparence des choix budgétaires” et de l’utilisation des fonds publics, mais où sont les critères d’emplois pérennes, d’utilité sociale, d’impact environnemental que nous réclamons depuis 2010 ? Vous parlez de transition énergétique, tout en restant fondamentalement attaché à l’industrie nucléaire dans une région qui est la plus nucléarisée d’Europe, présentant de forts risques pour les habitants et les salariés. Vous évoquez la défense des services publics, tout en privilégiant sur de nombreux dossiers l’externalisation et les partenariats public-privé. Un travail a été mené sur la protection du foncier agricole, mais celui-ci est sacrifié sur de trop nombreux projets commerciaux que vous soutenez par ailleurs. Et que penser de la défense des populations les plus précaires et des opprimés, quand les fonds européens sur l’inclusion sociale et l’hébergement d’urgence n’ont pas été mobilisés pour le dernier budget régional ?

Tout au long de cette mandature, le PS n’a cessé d’affirmer objectifs et politiques contradictoires, manquant de cohérence et de vision pour notre région, à l’heure où les défis n’ont pourtant jamais été aussi vifs. Cet effet d’éparpillement se retrouve jusque dans le contrat de plan Etat-Région qui vient d’être adopté. Pourtant, nous savons qu’Auvergne et Rhône-Alpes sont deux régions riches de leur diversité, de leurs habitants, de leurs territoires. Elles ont tous les atouts nécessaires en main. Ce dont elles ont besoin aujourd’hui c’est d’un projet d’avenir cohérent, qui associe l’ensemble des forces vives sur nos valeurs républicaines et dans une visée d’intérêt général.

Diviser la gauche pour mieux régner a trop souvent été le mode de communication privilégié du PS, et votre courrier n’y déroge pas – comme le souligne d’ailleurs l’article de Lyon Capitale qui lui a été consacré. Le “poison mortel” de la désunion comme vous l’appelez n’est pas de notre fait, mais le résultat des politiques menées. Notre autonomie et la recherche d’unité sincère est en réalité tout au contraire une garantie de renouveau pour nos concitoyens et l’opportunité historique de voir la gauche se relever sur ses valeurs et de changer la vie vraiment. C’est aussi l’espoir pour les abstentionnistes et tous les déçus de la politique, las de voir les promesses de campagne si vite oubliées, d’enfin voir une alternative se créer à gauche pour briser les hégémonies et sortir de l’alternance avec l’UMP qui dure depuis trop d’années. C’est enfin, tout simplement, une question de démocratie que d’offrir aux électeurs la possibilité de voter selon leurs convictions.

Les résultats des dernières élections appellent avant tout au renouvellement de la vie politique et à un véritable projet de changement.

La confiance, l’exemplarité, le projet : voilà ce qui nous permettra de battre la droite et de contrer l’extrême-droite. Il est temps que le vote “utile”, si souvent brandi comme une menace, change de camp. Face à la droite dure incarnée par Monsieur Wauquiez et au Front National, seule une liste de rassemblement proposant une alternative de gauche peut, dès le premier tour, créer un véritable élan de renouveau et changer la donne au second tour.

En 2010, le Front de Gauche s’était présenté de manière autonome et avait effectué avec votre liste une fusion technique au second tour, sans signer de contrat de mandature afin de rester libre de ses votes. Nous assumons totalement le bilan de nos deux élues PG de Rhône-Alpes, Elisa Martin et Corinne Morel Darleux. Aujourd’hui, notre objectif est d’élargir ce rassemblement, en tirant les leçons de ces cinq années et sur la base d’une vision nouvelle pour notre région.

Pour toutes ces raisons, les adhérents du Parti de Gauche, réunis en assemblée générale Auvergne – Rhône Alpes, ont collectivement réaffirmé leur choix, conforme à nos orientations nationales, de construire pour ces élections une liste de rassemblement citoyen la plus large possible à gauche, indépendante du PS, avec comme objectif d’arriver en tête de la gauche le soir du premier tour.

Nous avons donc initié des discussions pour former une liste commune avec toutes celles et ceux qui en partagent les bases, avec nos partenaires du Front de Gauche, Europe-Ecologie-les-Verts et Nouvelle Donne notamment, mais aussi avec des citoyens engagés en dehors des partis. C’est le choix de nos militants mais c’est aussi le désir maintes fois exprimé par nos concitoyens qui voient bien eux, chaque jour, l’urgence à ce que leur quotidien change. C’est ce qu’ont montré les élections départementales où ce rassemblement large s’est construit. Là où vous voyez un affaiblissement de la gauche, nous y voyons une réaffirmation et un renforcement de ses valeurs. Lycées et formation professionnelle, culture, transports, agriculture et ruralité, climat et énergie, économie : dans tous les domaines ce sont la démocratie, l’égalité, la relocalisation de l’activité, la transition écologique et la défense du bien public qui doivent guider notre action.

Nous ferons donc tout pour que cette démarche de rassemblement aboutisse, en lien permanent avec les citoyens et la société civile, afin que les politiques régionales soient mises au service d’un projet de solidarité et de bien vivre ensemble.

Voilà ce qui, pour le Parti de Gauche, s’appelle “faire preuve de responsabilité”. Oui, notre belle région aura besoin de l’intelligence de tous. Mais cette intelligence collective se construit dans le débat argumenté, dans l’élaboration d’un projet partagé, et non dans des accords électoraux faisant fi du passé et de l’avenir.

Un “projet de vie et d’espoir”, écrivez-vous. Oui. Celui du changement.

Nous voulons donner à Rhône-Alpes Auvergne un autre avenir.

Corinne Morel Darleux,

pour le Parti de Gauche en Rhône-Alpes et Auvergne