D’abord, tomber par hasard sur une copine de passage et future autrice Dalva (Boa, en janvier) dans le car, avoir un accident de tôle froissée sur un rond point et finir en stop jusqu’à la gare de Valence. Et puis découvrir ébahie la ville antique de Vienne, m’en vouloir d’être passée à côté toutes ces années, sans parler de la magnifique librairie Lucioles, munie du plus beau vis-à-vis de colonnades ever, parler de Alors nous irons trouver la beauté ailleurs et la trouver ici, repartir joyeuse et lestée d’un livre de plus (Andrés Barba, envoûtant), discuter autour d’une pizza des lucioles de Pasolini bien sûr et du prix Goncourt des détenus et relancer comme une bouteille à la mer mon souhait d’intervenir en milieu carcéral. Puis reprendre le lendemain le train pour Lyon et le festival de Villa Gillet, rester ébahie (à nouveau, la chance, je sais) par le travail d’une enseignante de lycée et sa classe de terminale à Saint Priest, discuter avec elles et eux de la compatibilité (ou non) du bonheur et du capitalisme, reprendre espoir. Me l’accrocher en bandoulière l’après-midi avec des jeunes de Bucarest, Leipzig et Oullins qui ont passé trois jours avec la compagnie Thallia sur un de mes textes (Être heureux avec moins ?), entendre leurs trois langues se répondre et s’emmêler, être émue aux larmes des saynètes de critique sociale et de nature en danger surpuissantes qu’ils et elles en ont tiré. Puis faire une séance photo en douce, croiser d’anciens camarades devenus élus, participer à une émission de radio pour Villa Voice avec trois jeunes femmes qu’on a envie de suivre dans leur futur métier, trinquer avec une ancienne londonienne devenue repère littéraire et discuter de nos coups de cœur. Et le lendemain, reprendre le train, découvrir qu’il existe un Lyon-Strasbourg direct (Valence même !) et m’en réjouir, et, pour une fois, pas de saut de puce d’une ville à l’autre mais trois délicieuses journées à Strasbourg, juste avant la furie (m’a-t-on dit) du marché de Noël. Y retrouver la librairie Quai des brumes toujours aussi accueillante, y piocher des petits papiers roulés en guise de mots clés et repartir lestée d’une très belle lettre (merci Lucie !) et d’encore plus de livres (Marie Darrieussecq, crue et déroutante, et Edith Wharton, oh my, si sombre). Loger dans l’hôtel le plus cosy du monde (merci Juliette) et saluer au matin un couple de merles bien dodus, retrouver d’anciennes et tenaces amitiés politiques (Brigitte et Rémy, je vous serre affectueusement la main), décider sur un coup de tête d’avoir les cheveux courts, recevoir de jolis messages de personnes présentes à Vienne, apprendre avec joie que Carla de Mansfield TYA me lit, éprouver enfin un vrai froid d’hiver, déambuler armée de ma chapka entre des bretzels et une cathédrale rose, faire une échappée pour une séance matinale au cinéma Cosmos (Le rêve de l’okapi, j’ai pleuré), enchaîner avec une interview d’ambiance queer et libertaire devant un œuf mayo, une séance photo (oui, encore) en équilibriste sur une pile de chaises, le tout avec des volées de cloches et des échos d’orgue en bande-son permanente, et puis marrainer un salon de la nature du livre dans un jardin pédagogique, au CINE de Bussierre, y glaner trois graines des plus géantes des capucines à replanter chez moi, remettre un prix à une talentueuse et timide dessinatrice (Valentine Plessy), être émue aux larmes (ça devient ridicule) de la lecture à trois voix de mes propres mots par l’association A livre ouvert, repartir lestée d’amour, de recettes de plantes comestibles et de deux nouveaux livres offerts (Gabrielle Filteau-Chiba, merci la librairie Gutenberg, et Claudine Malraison, pas encore lues), choper une valise parce que tout ça est bien beau mais ça ne rentre plus dans mon sac à dos, m’égarer sur les quais et boire un verre de vin en fumant frigorifiée en terrasse en me disant que j’ai une chance inouïe, qu’il y a des gens formidables, que tout n’est pas foutu dans ce monde foutu, et que ça va être doux de rentrer.