En session à la Région, ces jeudi et vendredi derniers, je suis intervenue sur le rapport d’aide “exceptionnelle” sur l’orage de grêle du 15 juin dernier et sur le pastoralisme. Un sujet qui me tient à cœur. Voici l’essentiel de mon intervention. Pour plus d’infos sur cette session, le site du groupe RCES.
D’abord, sur l’épisode de grêle qui a touché la Région je suis donc intervenue au nom du groupe pour proposer un amendement : l’aide dont on parle est censée cibler les exploitations “les plus touchées”. Or cette formulation peut s’entendre en volume ou chiffre d’affaire perdus, et si on devait retenir ce critère, de petites exploitations, parmi les plus fragiles, risqueraient de passer entre les mailles du filet. Je garde en mémoire le précédent, voté en décembre dernier, d’aides conditionnées au fait d’avoir contracté un emprunt bancaire destiné à de l’investissement, excluant ainsi les agriculteurs les plus fragiles, précisément, qui n’ont pas de quoi engager ces dépenses et qui n’intéressent les banques que très modérément. C’est là que la collectivité publique doit intervenir prioritairement.
Donc, comme cela va mieux en le disant et que préciser la priorité de la Région aurait aussi été une manière d’envoyer un signal à toute une série de petits exploitants qui se sentent parfois légitimement délaissés au profit de grosses organisations, j’ai donc proposé que l’aide ne doit pas affectée uniquement sur un critère de volumes perdus, de taille d’exploitation ou de perte de chiffres d’affaires, mais bien sur des critères de vulnérabilité : reprise ou installation récente, taille modeste, absence d’assurance ou taux d’endettement… Histoire d’être surs et certains d’aider celles et ceux qui en ont le plus besoin.
Las, le souci est que la majorité de Laurent Wauquiez ne veut financer que de l’investissement et passe donc par une astuce budgétaire, qui ne ciblera à nouveau que les agriculteurs qui ont un emprunt bancaire.
Nous votons quand même le déblocage de cette aide exceptionnelle bien sur, tant les dégâts sont importants, notamment dans le triangle Tain-Romans-Valence, avec 70% de pertes de récolte en abricots, 40% en pêches, une grande partie des vignes…
Franchement, les paysans n’avaient pas besoin de ça. Quand ce n’est pas la disparition des quotas laitiers c’est les marges distributeurs des supermarchés, et quand ce n’est pas la sécheresse c’est la grêle. Et maintenant la canicule. Il y a de quoi désespérer. Je pense à ce jeune arboriculteur de l’Isère : noisettes, noix, pommes, il avait repris une exploitation de noyers sur 4 hectares et était installé en bio depuis trois ans et demi. Il a tout perdu en une journée.
Ces 6 millions sont donc une bonne nouvelle. Mais j’ai aussi rappelé en session que parer à l’urgence ne peut pas exonérer d’une réflexion de fond. Ces aléas se multiplient, ils sont de moins en moins “exceptionnels”, et tout le monde s’accorde pour dire que cela va empirer avec le dérèglement climatique. Les viticulteurs sont venus nous dire leur inquiétude il y a quelques mois. Les éleveurs ont de plus en plus de mal à nourrir leurs troupeaux. Les maraîchers et arboriculteurs sont touchés, on le voit encore avec cet épisode.
Une des pistes que nous avons souvent répétées à la Région, en matière d’adaptation à l’évolution du climat et pour réduire la fragilité des exploitations aux aléas, serait de privilégier la variété dans les cultures, et des cultures moins gourmandes en eau… Les aides régionales pourraient comporter un bonus, a minima, pour aller dans ce sens. C’était le cas lors du précédent mandat, c’est donc possible. Et surtout ça devient urgent. On ne peut pas continuer à inciter les agriculteurs à des monocultures et une dépendance à l’eau qui les fragilisent et les condamnent à terme.
Il m’a été répondu qu’un dispositif “parcelles du futur” était en cours de réflexion avec l’Irstea et l’Inra. A suivre donc.
Concernant la délibération proposée sur le pastoralisme, nous nous sommes dits favorables bien sûr aux plans pastoraux territoriaux, à l’aide au logement des bergers près des troupeaux, et naturellement comme nous l’avons noté avec satisfaction, au fait que “la transformation de pistes en route (goudronnage) [ne soit] pas soutenue”.
J’ai dit un mot tout de même sur le patou, chien de protection des troupeaux qui commence à devenir un vrai danger public dans certains coins. Il serait vraiment salvateur que la région lance aussi pour le patou une “étude”, ou une “aide à la réalisation d’enquêtes” ou des “dispositifs de surveillance”, qu’elle se penche sur les modes d’élevage et alternatives au patou, dont on me dit régulièrement dans le Diois que certaines assurances l’imposent, alors que c’est lui, aujourd’hui, qui pose le plus de souci aux randonneurs et parfois même aux bergers eux-mêmes… Pour rappel, il y en a 3.000 je crois l’été en alpages. Ce n’est pas rien.
Mais il y a surtout un grand absent dans cette délibération, et c’est là-dessus que j’ai insisté pour le groupe RCES grâce aux conseils précieux d’une amie éleveuse et militante : la question des surfaces pastorales dans la PAC, qui concerne de nombreux éleveurs de la Région. Le souci est simple : l’Europe ne considère pas les surfaces avec moins de 50 % d’herbe comme des surfaces “agricoles” qui pourraient être éligibles aux aides PAC.
Or, dans notre Région, on sait que le bonheur n’est pas que dans la prairie mais aussi dans les châtaigneraies ou le maquis. On sait que les épineux et les résineux, de l’églantier au pin sylvestre, aux ronces aux rosiers sauvages ou au genèvrier, sont des aliments à part entière pour les troupeaux.
Le problème c’est la définition de ces plantes « admissibles » : ainsi, par exemple, la zone de l’AOC Pélardon a réussi à démontrer que leurs bêtes se nourrissaient de châtaignes, mais pas le reste des territoires. Du coup concrètement, dans le Gard, les éleveurs peuvent déclarer les châtaignes comme ressources pastorales mais pas en Ardèche… parce qu’il n’y a pas de châtaignes dans le cahier des charges de l’AOC Picodon.
Autre souci, il n’y a pas de plafonnement à ces aides, du coup pendant que les Ardèchois pâtissent de leurs châtaignes, ou d’autres de leurs landes boisées, certains éleveurs peuvent eux cumuler les surfaces d’estives en plus de leurs fermes.
Défendre les surfaces pastorales au sein de la PAC, c’est faire en sorte de maintenir des fermes dans les territoires les plus difficiles et avec des pratiques qui s’adaptent beaucoup mieux face aux aléas climatiques, comme le rappelle régulièrement la Confédération Paysanne Auvergne-Rhône-Alpes.
La Région ne manque jamais de rappeler qu’elle est très impliquée dans les négociations européennes sur la PAC, qu’elle va expérimenter un fonds assurantiel régional en lien avec la PAC, qu’elle prône la pression pour le déclassement du loup au niveau européen : on aimerait qu’elle s’engage avec la même fougue sur cette question de la reconnaissance des surfaces pastorales, qui touche un nombre non négligeable d’agriculteurs de notre Région…