Donald Trump a beau se moquer du climat, celui-ci se rappelle à lui en Californie.
Nouvelle chronique vidéo chez Là-bas si j’y suis : “En Californie, les vieux tués par le climat”
Des incendies monstres n’en finissent plus de ravager l’Ouest des États-Unis. Ironie du sort, puisque les parlementaires de Californie avaient été parmi les premiers, le 18 juillet, à approuver au contraire l’extension jusqu’en 2030 de mesures pour le climat. Le gouverneur Jerry Brown parle sur Twitter de « menace existentielle » : « le changement climatique est bien réel. Il menace toute forme d’organisation humaine ». Selon lui, la récurrence de ces incendies est la « nouvelle norme », directement liée au changement climatique et « les feux, les inondations, les tremblements de terre ne vont pas cesser ».
Et de fait, avec l’énorme incendie « Thomas » de ce mois de décembre, on en est à 70.000 hectares détruits (vidéo du Monde ici), soit trois fois la forêt de Fontainebleau. Si vous y ajoutez les 73.000 hectares détruits par les incendies en octobre, ça fait en trois mois l’équivalent de la totalité du massif du Vercors parti en fumée.
Extrait :
Le dérèglement climatique en cause
Et une fois de plus, en cause : le réchauffement climatique. Bien sur, des incendies en Californie il y en a déjà eu, mais ils n’avaient jamais causé autant de dégâts en si peu de temps, ni en plein décembre : les vents de Santa Ana touchent habituellement la région à l’automne. « La saison des incendies culmine généralement en octobre en Californie, mais les autorités ont suggéré qu’avec le changement climatique, davantage de feux se déclarent plus tard dans l’année », écrit le New York Times, et selon une étude de l’Université de l’Arizona, la durée de la saison des incendies a été rallongée en gros de deux mois et demi depuis le milieu des années 1980.
Or cet Automne a battu des records de chaleur et de sécheresse : fin octobre, Los Angeles a frôlé les 40 °C et a connu fin novembre son Thanksgiving le plus chaud jamais mesuré. Cette sécheresse s’est abattue sur une végétation boostée par l’hiver le plus humide jamais mesuré en Californie.
« Il y a un signal climatique clair dans ces feux du lien entre conditions de sécheresse et changement climatique » selon Daniel Swain, climatologue de l’Institute of the Environment and Sustainibility cité par Novethic : « en Californie l’été a été si chaud que même un hiver bien au-dessus de la moyenne n’a pas suffi à empêcher la végétation de dessécher ».
Le schéma est désespérément simple : les pluies accélèrent la pousse de la végétation, la sécheresse les transforme en combustible, rajoutez à ça une urbanisation un peu anarchique, toujours plus loin dans les collines et les canyons, qui augmente les risques de départs de feu et éloigne les habitations des voies d’accès et il ne manque plus que les vents violents (appelés « Diablo » au Nord, « Santa Ana » au Sud) pour allumer le brasier.
Même les vignobles californiens, qui auraient du ralentir l’incendie grâce à l’espacement des rangées, et à la faible quantité de biomasse contenue dans les pieds de vigne, n’ont pas pu faire face à des « vents anormalement violents, s’élevant jusqu’à 120 km/h » selon le fournisseur d’électricité Pacific Gas and Electricity : les flammes ont littéralement volé.
En France aussi
Tout ça rassemble beaucoup au cas Méditerranéen en terme de climat, d’urbanisation diffuse et de végétation : en France, 9.000 hectares partent en moyenne en fumée tous les ans, et la sécheresse a encore battu tous les records cet été.
Chez nous aussi “la période à risque d’incendie s’allonge : auparavant limitée aux seuls mois de juillet/août, elle débute désormais dès juin pour parfois s’achever en septembre, et la zone à risque s’étend également vers l’arrière-pays” selon Thomas Curt de l’IRSTEA, qui ajoute : « depuis 1959, nous avons montré que la température a déjà grimpé de 2,5°C dans les 15 départements du sud-est de la France. Cette augmentation s’élève à 1,9°C dans les Alpes françaises, contre 0,9°C ailleurs dans le monde ».
Emballement à prévoir
On est face à un cas concret d’emballement climatique : plus les températures augmentent, plus la végétation brûle et en brûlant, libère le dioxyde de carbone qu’elle séquestre habituellement, et contribue par ces émissions de gaz à effet de serre au réchauffement climatique, qui lui-même aggrave la sécheresse… Causes et conséquences se mêlent dans un emballement qui n’a plus rien de linéaire et devient difficile à modéliser pour les scientifiques. Selon Park Williams, chercheur à l’université Columbia à New York, « un léger réchauffement, même d’un ou deux degrés, affecte réellement la combustion ».
Pourtant on savait
Et ce n’est pas une nouveauté : il y a déjà dix ans, une étude du National Center for Atmospheric Research (NCAR) publiée sur le site Carbon Balance and Management, démontrait que les feux contribuent autant au réchauffement climatique en quelques semaines que les voitures en un an sur la même zone. L’étude évaluait à 290 millions de tonnes équivalent CO2 par an les émissions dues aux incendies aux États-Unis, soit 4 à 6% des émissions nationales dues aux énergies fossiles.
Et une étude de l’Université de l’État du Kansas prédisait dès 2004 que la quantité de dioxyde de carbone émise par les feux de forêt américains allait doubler d’ici à 2100.
Inégalités de classe
On savait, mais rien n’a été fait. Et comme toujours ça retombe sur les plus vieux, les plus pauvres.
Les feux en Californie avaient déjà causé la mort de 41 personnes en octobre, la plupart des victimes avaient entre 70 et 90 ans. Libé nous donne ce détail glaçant, que « les sauveteurs devaient parfois s’en remettre au numéro de série d’une prothèse, seul élément à même de permettre une identification ».
Alors forcément, on est en Californie, et le feu a touché le fameux quartier de Bel-Air où vivent des stars comme Beyoncé ou Elon Musk, donc quelques résidences des stars ont brûlé – celle de Ruppert Murdoch par exemple, 30 millions partis en fumée.
Mais eux étaient en tournée (Mark Hamill, l’interprète de Luke Skywalker dans Star Wars était au Japon) eux n’auront pas de problème à se réinstaller et peuvent continuer à jouer au golf. (Crédit Photo Golf – État de Washington, The Atlantic)
Les autres, ceux qui n’ont pas d’autre endroit où aller, ont du se réfugier dans un dortoir improvisé dans un lycée.
Conclusion, face aux incendies – comme en général dans la vie – mieux vaut être jeune et riche que pauvre et vieux.