Le gouvernement a posé un ultimatum au 31 mars : ceux qui n’auront pas de « titre de propriété » devront être partis de la ZAD de Notre Dame des Landes. En effet la déclaration d’utilité publique (DUP) tombant, l’État est désormais le propriétaire des 1650 hectares.
Selon Reporterre, ceux-ci sont composés : pour 450 ha d’agriculteurs qui sont restés malgré les expropriations et ont refusé les indemnisations de l’État : pour eux, ça ne devrait pas poser de souci de récupérer les terres, juridiquement il semble que l’État ne puisse pas refuser la rétrocession. En revanche, pour les propriétaires expropriés (550 ha) qui ont accepté l’indemnité, même en remboursant ces indemnités il n’est pas sûr que le tribunal accepte. Et enfin, les 250 hectares gérés par le collectif Sème ta Zad (occupants et agriculteurs anti-aéroport).
Selon Françoise Verchère : « oui, ils sont de fait dans l’illégalité, comme tant d’autres en France et en Navarre ». Mais elle ajoute « le bocage serait-il la seule zone de non-droit ? Le seul où il faille intervenir ? Vaste programme que de rétablir l’ordre et la loi partout… » et de rappeller qu’il y aussi de « belles résidences agrandies sans permis, propriétaires des bords de l’Erdre — la plus belle rivière de France coulant à Nantes — qui refusent, malgré la loi, le droit de passage sur leurs terrains (mais il faut dire que ceux-là sont des gens bien, qui peuvent payer les astreintes de la justice qui les a condamnés…) ».
De fait, des constructions illégales pouvant être assimilées à des occupations, en France, il y en a un paquet qui ne sont jamais inquiétées. Et certaines sont étonnamment proches du pouvoir, voire se sont installées avec la complicité d’Emmanuel Macron. Deux exemples…
On en a fait le tour en vidéo sur Là-Bas si j’y suis, dont voici un extrait :
D’abord en 2015 à Nernier, sur les rives françaises du Léman en Haute Savoie, une famille princière Qatarie a bénéficié d’un joli passe-droit, s’affranchissant de plusieurs contraintes légales avec la bénédiction de l’État pour construire illégalement sa villa, sur un terrain classé en zone agricole dans le plan local d’urbanisme. Et ce, en pleine négociation pour l’achat de 24 Rafale par le Qatar pour un montant de 6,3 milliards d’euros. A l’époque de la construction, et des pressions exercés par l’État sur la Mairie pour l’autoriser, le Ministre de l’économie et de l’industrie s’appelait… Emmanuel Macron. D’ailleurs ce premier succès a inspiré le candidat Macron : dans son programme présidentiel il prévenait que l’État pourrait prendre la main sur les maires qui rechignent à délivrer des permis de construire.
Autre exemple, en Corse cette fois où, pour un million d’euro, et avec les bonnes relations, on peut faire n’importe quoi.
Comme par exemple deux maisons avec piscine bâties sur 670m2 dans un espace naturel classé « remarquable » (et c’est vrai, c’est magnifique Bonifacio) où toute construction est interdite, à la fois par la loi sur le littoral de 1986 et par le plan local d’urbanisme (PLU) de Bonifacio. Là aussi, comme à NDDL, c’est une affaire qui date : elle dure depuis 30 ans. En 1990, Pierre Ferracci achète un terrain exceptionnel de 20 hectares en bord de mer, au prix dérisoire de 2,5 euros le m2, justifié par l’éloignement, l’absence de route, d’eau et d’électricité. Le projet de construction est rapidement contesté, de son côté Pierre Ferracci dénonce « l’acharnement des associations » contre son « rêve d’enfance ».
Après de longues procédures, il obtient finalement son permis. Le truc, c’est qu’il ne le respecte pas et construit finalement deux maisons plus bas, moins visibles certes, comme il se défend lui-même… Mais de fait sans permis. Et pendant tout le temps des travaux la mairie de Bonifacio n’a pas bougé le petit doigt… Une mairie – tiens – dirigée par Jean-Charles Orsucci, membre du Conseil de En Marche. Et ce, malgré une lettre du préfet adressée au procureur de la République d’Ajaccio qui dit : « Je me permets d’attirer votre attention sur ce dossier majeur en raison de l’importance des travaux et de leur situation (espace remarquable et proche du rivage), qui appelle une condamnation rapide avec mesure de restitution (remise en état des lieux dans leur état d’origine, sous astreinte) ». Finalement il ne sera pas suivi, la justice n’a demandé ni remise en état, ni destruction des villas. Pierre Ferracci doit juste payer une amende d’un million d’euros soit le montant maximum en cas de “travaux non autorisés” et “infraction au plan local d’urbanisme”. Je ne connais pas bien le coût de construction d’une villa, mais j’imagine que ce n’est pas si énorme au vu du montant total des travaux. En tout cas ça ne change rien au final.
Pourtant, la loi Macron du 6 août 2015 (adoptée aux forceps grâce au 49-3) a été appliquée pour d’autres villas dans le même coin, comme pour la Villa Martinolle par exemple. (Pour rappel, ne croyez pas que cette Loi Macron soit un parangon d’écologie : en réalité elle protège les constructions illégales de la démolition, on l’avait dénoncé à l’époque, sauf que quand même même chez Jupiter il y a des limites et ça ne marche pas dans les espaces naturels remarquables comme celui où Pierre Ferracci a construit ses villas) Elles auraient donc bien du être démolies.
Alors quoi ? Il y aurait donc deux poids, deux mesures ? D’autant plus troublant quand on sait qui est Pierre Ferracci.
Selon Mediapart qui dresse son portait, Pierre Ferracci est un expert-comptable parisien, très influent dans l’univers de l’économie sociale. PDG du groupe Alpha, ce riche “patron de gauche” déclare 15 000 euros de salaire mensuel. Il est également le président du Paris Football club et membre de la Commission Attali, celle-là même qui a permis à Emmanuel Macron de tisser sa toile dans le monde des affaires, avant d’entrer chez Rothschild. Ça se précise… Son fils Marc Ferracci est un ami intime d’Emmanuel Macron, qu’il a connu pendant ses études. Au sein des groupes d’experts d’En Marche, c’est à lui qu’on doit le programme social de Macron et la fameuse nouvelle « Loi travail XXL ». Quant à l’avocate Sophie Ferracci, épouse de Marc, elle était cheffe de cabinet d’Emmanuel Macron au Ministère de l’économie et des finances, puis pendant sa campagne. Et pour parfaire le tableau de famille, Emmanuel Macron était le témoin du mariage de Marc et Sophie Ferracci, en Corse, en 2005.
En plus de ces deux cas d’occupation illégale aux liens et intérêts bien particuliers, Emmanuel Macron ne s’illustre pas franchement par son souci de respecter la réglementation. A part à Notre Dame des Landes, donc, qui fait figure d’exception.
Ainsi la « Madame Corse » du gouvernement, Jacqueline Gourault, a fait très fort lors d’un déplacement en Corse comme l’a relevé U-Levante, en disant : « Il faut aussi regarder si la loi Littoral peut être aménagée pour pouvoir libérer du terrain à construire ». Hum. Du terrain à construire, il y en a en Corse : 5 000 permis de construire chaque année, soit le taux par habitant le plus élevé de France ; la Corse compte 100 000 résidences secondaires (soit 30 % du bâti, record national) et au passage 81 % des Corses se sont prononcés pour la loi Littoral. Un peu hors sol, Madame Corse…
Et Emmanuel Macron lui-même déclarait à Toulouse en septembre 2017 : « Notre pays construit trop peu car notre système est bloqué par la sur-réglementation (…) il faut diminuer cette réglementation pour la rendre plus pragmatique, y compris sur des normes qui relèvent de très bons sentiments, quelques fois environnementales et sociales ». Puis il prévenait : « Vous en entendrez parler, il y aura énormément de (gens) qui s’élèveront contre ça (…) on me dira que je ne respecte pas l’environnement, ou parfois le handicap, parfois ceci ou cela. Mais il faut du pragmatisme ». Ça se passe de commentaire je crois.
… Bref, entre le pragmatisme de Jupiter, ses vieilles amitiés, les rêves d’enfance et les ventes de Rafale au Qatar, entre coups de pouce et coups de force, on n’a pas fini de voir des ZAD de riches occuper des terres agricoles et protégées. Alors c’est sûr, à la ZAD de NDDL il n’y a pas de Rafale à acheter, pas de copains de promo d’Emmanuel Macron et il ne doit pas y avoir non plus beaucoup de membres de la commission Attali. Mais vous savez quoi ? Tant pis, tant mieux. On fera sans.