Nous
avons eu une session tendue encore ce lundi autour du projet de reprise
de l’agence Erai, qui appuie le développement économique à
l’international pour la région Rhone-Alpes et passe devant le tribunal
après des années de (très) mauvaise gestion, dépenses excessives,
pavillon de Shangai, folie des grandeurs, très hauts salaires etc. Le
Parti de Gauche a toujours dénoncé évidemment ces dérives et refusé de
les financer, dans le groupe PGA puis au sein du groupe Front de Gauche
depuis 2010.
Je vais essayer de faire simple sur un dossier qui ne l’est pas : hier
nous avions à nous prononcer sur un projet de reprise par Ardi, autre
organisme plus clair et financé à 100% par la région, pour une reprise
partielle d’activité, adossée à des portages locaux et reprise par les
salariés dans certains pays : ainsi on arrivait à un peu plus de la
moitié des salariés conservés (143 sur 214) et à la reprise de certaines
filiales à l’étranger. Pour préciser, Ardi est un autre “satellite” de
la région qui à ce titre présente les mêmes travers de tendance à
l’autonomisation mais qui a le gros avantage d’être à 100% public et
d’avoir déjà été recentré en début de mandat, notamment après un gros
travail du groupe PGA et de ma camarade Elisa Martin en 2009-2010.
Las, au lieu de se concentrer sur le projet de reprise en tant que tel, le débat en séance publique a vite tourné à la foire d’empoigne sur le passif d’Erai (vrai), l’opacité de la région à ce sujet (vrai) et la responsabilité de Jean-Jack Queyranne en tant que président de région (vrai). Voir l’article de Lyon Capitale pour se faire une idée. Le souci c’est que nous avons déjà eu à plusieurs reprises ce débat légitime, mais qu’en l’occurrence lundi cela ne répondait pas à la question posée et qu’à ce stade les arguments échangés relèvent désormais plus d’une cour de justice. Sans compter que c’était bien la première fois quon entendait la droite réclamer des critères de conditionalité des aides régionales…
Toujours est-il qu’en préparation de cette
session et après avoir épluché le dossier, nous avions jugé l’offre de
reprise correcte et permettant surtout de reprendre la main sur la
politique de la région à l’international ainsi que de ne pas laisser
tous les salariés sur le carreau et conserver ces compétences qu’on
aurait pu utilement utiliser pour la suite. De nombreux contrats étaient
également en cours avec diverses entreprises et des partenariats
localement dans les pays d’implantation. Nous avions donc soumis notre
vote à trois conditions : l’assurance de la sauvegarde des emplois
annoncée, un mode de fonctionnement renouvelé, contrôlé et démocratique
au sein d’Ardi, et la réorientation de la logique de celle de guerre
économique vers une logique de coopération, d’échanges et de partage.
Bref, ce projet de reprise – le seul – semblait enfin après des mois de
galères une manière même imparfaite de sortir par le haut et de se
laisser la possibilité et les moyens de réorienter tout ça dans les mois
à venir.
Nous avons donc voté pour, tous les élus du Front de Gauche ainsi que le
PS et le PRG. L’UDC a voté contre, alors que cette agence avait été
créé sous sa présidence, ainsi que le FN et EELV. Au final le rapport a
été rejeté et c’est donc fini. Je ne sais pas si tout le monde en a
mesuré les conséquences. Je regrette qu’on se soit trompé de débat lundi
: ce n’était pas un vote pour ou contre Erai, ni une motion de censure
visant le président de région, mais un vote sur un rapport. Nos
positions sur Erai n’ont jamais varié, mais ce que tout le monde n’a pas
capté visiblement c’est qu’Erai était déjà enterrée et que ce n’était
plus le sujet…
Pour finir de vous donner l’ambiance, le PS avait bien évidemment invité des salariés d’Erai à assister à la session,
ce qui a évidemment chargé le tout d’une surdose d’affectif : il faut
savoir qu’on parle là de licenciements et même pour certains salariés de
rapatriements d’urgence pour les pays où ils peuvent être menacés
d’emprisonnement en cas de faillite. Au moins avons-nous réussi à
intervenir dans une séance bien mouvementée, après le double rejet de
l’amendement de l’exécutif prévoyant de financer la sécurisation des
personnels dans les filiales à risque et celui à suivre du voeu déposé
par EELV sur le même sujet, pour que ce point ne soit pas oublié au
final. Il a fallu insister, mais il a finalement été inscrit et sera
donc abordé à la commission permanente de juin.
Voilà je ne vous fais pas de dessin. Les médias s’en sont donné à cœur joie comme vous l’imaginez. Et pourtant ce n’était pas gai. Même si l’emploi ne peut être une raison pour financer une structure pourrie – et c’est d’ailleurs ce que nous avions dit au dernier vote sur le sujet, là n’était plus la question, puisqu’on s’approchait pour la première fois de la solution que nous avions préconisée, à savoir réinternaliser une partie de l’activité au sein de la région, avec une maîtrise 100% publique et la fin du système Erai pour pouvoir réorienter nos politiques de la compétition vers la coopération, réduire la voilure et reprendre les rênes en mains.
Espèrons que le comité de transition que nous avons voté dans un chaos indescriptible permettra de rattrapper ce échec, de construire un service régional d’accompagnement des PME, d’échanges de pratiques et de coopération économique plus transparent, plus économe, plus efficace et plus créateur d’activité, avec celles et ceux qui en ont les savoir-faire et les compétences, sans dirigeants véreux ni dépenses somptueuses. Et que toute la lumière sera faite sur les responsabilités des errements douteux qui nous ont mené à cette situation calamiteuse.
Illustration La Terre vue de l’espace… par Unrequestedsillything (Travail personnel) [CC BY-SA 4.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0)], via Wikimedia Commons