Il y a à peine plus d’un an, ma toute première chronique pour Là-bas si j’y suis portait sur l’A45 : un projet désastreux qui vient d’être abandonné, ça se salue ! Et du coup on s’est dit avec l’équipe qu’on allait en profiter pour faire un petit tour d’horizon “devoir de suite” de quelques chroniques depuis une année, avec un fil rouge : les lobbies. L’intégrale est ici !

L’A45, donc, pour commencer, promise au tentaculaire Vinci. La Ministre Elisabeth Borne l’a annoncé le 18 octobre : l’État se désengage du projet ! Une belle victoire pour la coordination des opposants, née à l’automne 2016, qui regroupe paysans, naturalistes, habitants, chercheurs… Elle avait notamment réuni 10 000 personnes et 130 tracteurs les 1-2 juillet 2017 à St-Maurice sur Dargoire, et visiblement ses arguments ont porté puisqu’ils ont été repris par la Ministre qui évoque une « absence de consensus » et s’appuie sur le rapport Duron qui jugeait le projet de l’A45 « beaucoup trop controversé » et préconisait d’étudier les pistes alternatives, en admettant qu’il n’est pas possible d’« ignorer le prélèvement de terres agricoles, l’impact environnemental, l’absence de débouché sur Lyon ». Une bataille de remportée donc, mais pas la guerre : au-delà de l’A45, c’est toute une manière de vivre que les opposants veulent changer. La mobilisation va donc se poursuivre localement pour un plan B ambitieux, qui ne soit pas juste du rafistolage. L’occasion de réfléchir à un autre (a)ménagement du territoire, fait de relocalisation et d’agriculture paysanne, de déplacements du quotidien repensés. Pour faciliter le débat, un questionnaire est proposé, qui n’évite pas la question des difficultés actuelles de l’autoroute existante, l’A47. Enfin, la coordination rappelle que la page de l’A45 sera définitivement tournée lorsque la Déclaration d’Utilité Publique (DUP) arrivera à terme, en juillet 2020, ou sera abrogée. Tout est sur leur site ici. En tout cas, voilà 500 hectares de terres agricoles sauvées et Vinci l’a dans le nez !

Côté lobbies toujours, en novembre 2017 j’avais fait une chronique spéciale Monsanto où je parlais du « ghost writing », ces rapports préparés par les services de la firme puis signés par des scientifiques corrompus. Eh bien après les rapports fantômes, voici les agriculteurs fantômes ! C’est une enquête de Greenpeace et de The Independent qui révèle l’existence d’un lobby intitulé « Agriculture et Liberté ». Celui-ci se présente comme un groupe d’agriculteurs français qui assurent s’être “unis pour protéger mode de vie et moyens de subsistance” et défendre l’agriculture et la production alimentaire en France. Sauf qu’en fait aucun agriculteur n’appartient à ce groupe, il s’agit d’une campagne montée de toutes pièces par « Red Flag », un lobby qui travaille pour Monsanto. Et bien sûr tout ce petit monde vante les bienfaits du glyphosate.

Décidément, on n’en sort pas… Et au gouvernement c’est guère mieux. Emmanuel Macron disait lui-même, à propos du remaniement : « aujourd’hui il n’y a ni tournant, ni changement de cap ou de politique » et en effet… Nicolas Hulot claque la porte sur le poids des lobbies ? Hop. Emmanuelle Wargon est nommée secrétaire d’État à l’Écologie. Ex directrice des affaires publiques et communicante chez Danone, elle a récemment déclaré par exemple que s’opposer aux OGM était une position « dogmatique », un « refus de la science ». Voilà voilà. Elle rejoint donc Brune Poirson, ex Veolia devenue secrétaire d’État à la Transition écologique, ou encore le Premier ministre Édouard Philippe, ex-lobbyiste chez Areva.

Enfin, nous revenons douloureusement sur le Brésil, où la proximité de Jair Bolsonaro avec les lobbies de l’agro-négoce vient s’ajouter à l’inqualifiable discours de haine et de violence qu’il propage dans le pays. Je vous en parlais en avril 2018, à mon retour du Forum social mondial endeuillé par l’assassinat de Marielle Franco et d’une visite de ferme tropicale dans la Mata Atlantica, j’y suis revenue mercredi dernier ici : au désastre social et politique s’ajoutent de forts risques environnementaux et climatiques.

Côté climat, heureusement sur le terrain ça bouge. On avait consacré une chronique à la tenue d’Alternatiba à Bayonne en octobre : 15.000 personnes ont été au rendez-vous, malgré la pluie, avec 1.150 bénévoles, des amphis bondés pour les conférences, un manifeste, des militants de plus en plus politisés, et depuis les initiatives se succèdent : 120.000 marcheurs pour le climat le 13 octobre, convergence de youtubeurs et un site – plateforme commun : ilestencoretemps.fr qui regroupe des actions à mener, du débutant timide au militant aguerri, de la pétition au blocage de mine de charbon en passant par un appel au « nettoyage » de la Société générale le 14 décembre à Paris. De quoi commencer, peut-être, à se constituer à notre tour en lobby – citoyen, celui-là –, pour aller sauver chaque dixième de degré qui peut encore l’être.