Au Brésil, Lula n’ayant pas pu se présenter à la présidentielle malgré l’avis du comité des droits de l’homme de l’ONU, victime de ce qu’on appelle désormais le “lawfare” – soit la justice employée à des fins d’empêchement politique, c’est Fernando Haddad qui s’est présenté pour le Parti des Travailleurs. Il est arrivé derrière le candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro qui a fait plus de 46% au premier tour. Le second tour a lieu ce dimanche.
On alerte sur ce risque majeur depuis des mois : Jair Bolsonaro revendique les années de la dictature militaire au Brésil, fait l’apologie des armes à feu et tient un discours de haine qui semble libérer les pires travers de la société, en grande partie composée au Brésil d’anciens esclaves rappelons-le. Depuis l’assassinat de la militante et élue de gauche, noire, féministe et lesbienne Marielle Franco en plein Forum social Mondial, de plus en plus d’agressions politiques, sexistes, homophobes et racistes ont lieu. L’arrivée de Bolsonaro en tête du premier tour semble avoir libéré des flots de haine qu’on espérait ne jamais revoir, une ouverture de vannes d’une violence inouïe, largement encouragée par Bolsonaro lui-même. Son geste préféré, pendant les meetings : mimer le maniement d’une arme. Bolsonaro a ainsi explicitement appelé à « mitrailler les militants du PT » en saisissant un pied de caméra en guise de mitrailleuse. Il a aussi déclaré qu’il mettrait fin « à toute forme d’activisme » et que les membres du MST, le mouvement des sans-terre, devaient « être reçus à coups de fusil ». A São Paulo, un travesti a été tué par un groupe hurlant « sous Bolsonaro, la chasse aux pédés sera libérée ! ». Bolsonaro, c’est le type capable de dire à une députée de gauche, en novembre 2003, qu’elle était « trop moche » pour qu’il la viole. Voilà l’aperçu glaçant de ce qui attend le Brésil si Bolsonaro devient président.
Mais certains intérêts économiques ont eux beaucoup à y gagner. La « bancada ruralista », le lobby de l’agronégoce proche de Bolsonaro et qui bénéficie d’un appui parlementaire très puissant, compte ainsi sur la victoire de ce dernier pour accélérer la déforestation au profit du soja et de l’élevage. Et ça nous concerne tous : le Brésil est un véritable poumon de la planète avec la Forêt Amazonienne et la Mata Atlantica. Las, non content de remettre en cause l’accord de Paris, dans la foulée de Donald Trump aux Etats-Unis, Jair Bolsonaro s’est aussi engagé à en finir avec les droits des populations autochtones. Enfin, pour ne citer qu’un dernier exemple, le « pacote do veneno », déjà dans les tuyaux, bénéficierait aussi de sa victoire pour accélérer la mise sur le marché de pesticides et de désherbants : 2. 500 produits attendent d’être homologués par l’Agence brésilienne de réglementation de la santé. Bref il y a en jeu un paquet de profits à se faire sur le dos des forêts et des minorités.
Du coup, pour remporter le morceau, c’est à une véritable guerre de “fake news” particulièrement immondes, via la messagerie WhatsApp très utilisée au Brésil comme j’ai pu le constater quand j’y étais, que se livrent Bolsonaro et ses alliés. Plusieurs ramifications semblent d’ailleurs remonter jusqu’aux Etats-Unis, via Steve Bannon et Cambridge Analytics, qui aurait créé près de 400.000 faux profils au Brésil. “Le Brésil est pris en otage: si Bolsonaro ne gagne pas, les messages répandus donnent l’ordre de créer une réaction à main armée, de “prendre les rues” pour empêcher “la fraude” et la victoire du “communisme”. Soit Bolsonaro gagne, soit il gagne, donc. Il n’y a pas d’autre issue possible, selon ces gens. Plus que jamais, le Brésil semble s’approcher de la barbarie“.
Je reçois des messages d’amis terrifiés par ce qui est en train de se passer dans leur pays. Je me sens démunie, ma seule arme c’est de faire passer ces informations. Diffusez-les, signez cette pétition, et gardons en tête que ça se passe dans une république fédérale de plus de 200 millions d’habitants, la huitième puissance économique du monde en termes de PIB, mais aussi une société plombée par les inégalités. Gardons en tête que tout, même au 21e siècle, peut basculer très rapidement.