Du bruissement des chauve-souris au clapotement des crapauds, c’est l’été
Chronique parue le 18 juillet sur Reporterre
Alors que la canicule se déploie à mesure que la politique décélère, quel bonheur que de délaisser le cérébral pour redonner leur place aux autres sens. Et de savourer l’été, tendre l’oreille aux sons des chauve-souris dans le ciel nocturne, des crapauds dans l’eau de la rivière et des chants des oiseaux…
Cet été j’ai décidé de rester chez moi, dans le Diois. Après avoir commencé l’année avec le Parti de la gauche européenne à Berlin, être allée présenter l’écosocialisme à la conférence euro-méditerranéenne d’Istanbul en février, puis m’être rendue à des rencontres politiques à Bruxelles en avril et à un colloque à Delphes en Juin, je m’apprête à repartir à Tunis pour les cérémonies de commémoration de l’assassinat de notre camarade Mohamed Brami.
Alors cet été, la secrétaire nationale en charge de l’écosocialisme à l’international que je suis depuis le récent congrès du PG va un peu se calfeutrer. Parce que la vie se savoure aussi parfois là, juste à côté…
La canicule a recommencé à se déployer au moment où le rythme politique commençait tout juste à décélérer. Comme pour inviter à redécouvrir le plaisir des bains de rivière, le soleil mordant sur la peau mouillée, la caresse des rochers et le plaisir de s’endormir les cheveux encore tout emmêlés. Ces moments où le cérébral s’efface et redonne un peu de place aux autres sens, afin de ne pas oublier qu’on a aussi des yeux, des oreilles, un nez, une bouche et des doigts pour toucher la beauté des choses.
Il faut au moins une fois dans sa vie écouter les chauve-souris en espadrilles un soir d’été. De préférence en buvant du rosé. C’est le compositeur sonore Franck Dubois, un ami qui capte, étudie, décortique, isole et réagence les sons qui m’y a invitée. Il a débarqué un jour et posé son attirail dans l’entrée, des malettes de micros, de perches, d’apareils de toutes tailles, dont le “wild life acoustic echo meter touch”. Et c’est ainsi qu’on s’est retrouvés comme des gamins à retenir notre souffle sur la terrasse à guetter les ultra-sons des chauve-souris qu’on voit tournoyer dans le ciel nocturne chaque été.
La dernière fois nous avions écouté les castors, l’hiver d’avant c’était le frémissement électrique des pylônes du Vercors, et le lendemain c’est dans la rivière que nous avons plongé le micro pour écouter les crapauds. Et le résultat de tout ça, c’est une musique expérimentale, faite de larsens dans des grottes et de cris d’oiseaux, de vrombissements et de chuchotements, composition destinée à interpeller plus qu’à charmer, loin des variétés… Une pièce d’art sonore intitulée Vercors 1.01 qui a été présentée ce week-end au festival PLI de Pont-en-Barret.
Les sons de l’été c’est aussi cette fine pluie de la vigne, chaque fin d’après-midi, quand les abeilles se ruent pour butiner par centaines et que de petites boules s’en échappent comme des milliers de goutelettes cristallines… L’été cest la période où les amis viennent gouter à la ruralité, la saison où l’apéro commence au Campari et finit à l’Amaretto. Où les siestes dans l’herbe se terminent en écoutant les enfants du Pirée de Dominique A. Et où les soirées se passent le nez en l’air, à regarder la brillante Vénus se rapprocher doucement de Jupiter.
La vie.
Cet
hiver, Franck sera dans le Grand Nord pour capturer les aurores
boréales. Ne le repétez pas, c’est un secret mais… C’est mon plan B.
Bel été.