Grosse session en vue à la Région : ces 19 et 20 décembre, comme chaque année juste avant Noël, c’est le moment du budget.
Hélas, [à part peut-être la parka rouge] Laurent Wauquiez n’a pas grand-chose en commun avec le vieux monsieur aux cheveux blancs et il ne fait pas de cadeaux.
Ah si, pardon [gaffe à vous, les rennes] : après les 3 millions accordés à la fédération régionale de la chasse en 2016, voici une rallonge de 3,6 millions d’euros pour des tables d’éviscération, entre autres joyeusetés d’intérêt général, et un débouché sur-mesure pour le produit de la chasse, qui pourra désormais être commercialisé sous le label « La Région du goût ». Alors si c’est pas Noël ? (Voir ici la vidéo de ma camarade élue Fabienne Grebert à ce sujet).
L’argent continue également de couler à flots pour les canons à neige et les retenues collinaires : à nouveau 942.000 euros pour cette seule session de décembre. On en est tout de même à 39 millions, et ce malgré la sécheresse, malgré le fait qu’on perd 15 à 30% d’eau au passage des canons, par sublimation, malgré le stockage de cette eau précieuse dans des retenues ou carrément sous forme de stocks de neige d’une saison à l’autre, et alors que les premiers conflits sur l’eau éclatent : des villages sont ravitaillés en camions citernes, le lac d’Annecy s’est asséché de manière spectaculaire, et in fine le maire de la Clusaz s’est décidé à piocher dans les réserves destinées à la neige artificielle pour en remettre la moitié dans les tuyaux de l’eau courante. Boire ou skier, à force, ça va commencer. (Revoir ici l’émission Dimanche en politique où j’ai débattu sur l’avenir des stations, la sécheresse, le ski et les canons face à deux députés LR).
Je poserai d’ailleurs une question orale sur ce sujet majeur de l’eau à Laurent Wauquiez, afin que les questions de retenues collinaires, d’irrigation agricole, d’enneigement artificiel et de services à la population soient enfin abordées de manière non dogmatique, sur la base d’études scientifiques, de rapports prospectifs, et d’un véritable débat public avec tout le monde autour de la table sur la gouvernance et l’utilité sociale des différents usages de l’eau (cliquez ici pour lire la question orale : QuestionOrale-eau-CorinneMorelDarleux.pdf). Autrement dit, que chacun ne décide pas dans son coin d’aller puiser directement dans les barrages par exemple, comme s’apprête à le faire la station de Valmorel avec l’aide financière de la Région et la bénédiction d’EDF.
Sorti des chasseurs et des skieurs, pour le reste, ce n’est pas la fête. A titre d’exemple représentatif de ce budget 2019 : 25 millions en moins pour la formation, et 137 millions en plus pour un plan aéronautique. Une vraie vision d’avenir… Du coup, à force de ne voir venir aucune action forte des politiques, à force de voir se multiplier les rapports scientifiques, les témoignages des acteurs de la montagne (il faut regarder Ludovic Ravanel sur le bilan de la canicule 2018 sur le Mont Blanc), à force de voir la Cop24 s’éteindre et l’effondrement venir, on a décidé, au groupe RCES, de mettre un coup d’accélérateur sur l’adaptation et la résilience, comme on l’avait décidé à la rentrée (je vous en parlais ici).
C’est à dire concrètement, inlassablement, tenir ces trois priorités : alerter, préserver ce qui doit l’être, et se préparer à ce que ce ne soit pas suffisant. Nous avons donc adossé tous nos amendements budgétaires à cette ligne. Une vingtaine d’amendements qui suivent tous la même logique, répondre à l’urgence climatique et sociale, nous adapter aux effets du changement climatique qui sont déjà là, et rendre notre territoire résilient. Anticiper des perturbations, brutales ou lentes, grâce à la veille et à la prospective, en atténuer les effets, et se donner les moyens de rebondir.
Je vais notamment défendre un objectif ambitieux de plantation d’arbres, un par naissance pour commencer (cliquer ici pour lire l’amendement : AmendementBudget-ArbresCorinneMorelDarleux.pdf), et un plan de développement de l’agroforesterie (AmendementBudget-agroforesterieCorinneMorelDarleux.pdf). Stockage de carbone, refuge de biodiversité, et source d’alimentation : les arbres sont nos meilleurs alliés. Nous allons aussi défendre des plans alimentaires territoriaux et l’implantation de jardins et micro-fermes locales dans les zones touristiques, pour se préparer à d’éventuelles ruptures d’approvisionnement et apprendre à vivre sans pétrole.
Proposer la création d’un observatoire régional de la prévention des risques naturels, et d’une Académie populaire pour renouer avec les savoirs manuels et traditionnels : l’idée m’est venue à la lecture de Jean Hegland, c’est quand même fou de constater à quel point on sait de moins en moins, dans nos sociétés modernes, reconnaître les plantes médicinales et les champignons comestibles, coudre ou repriser un vêtement, réparer un joint ou faire une vidange, cultiver des tomates ou tuer une poule : le tout-électronique, le non-réparable, le prêt-à-consommer et le tout-jetable nous coûtent cher en achats contraints, en déchets, et nous font perdre en autonomie. Qu’est-ce qui nous empêche, à contre-courant du discours ambiant, de faire preuve d’innovation « low tech », c’est à dire innover dans l’utilisation de matériaux simples, par exemple dans la construction ou le domaine des énergies, ou encore du textile avec le chanvre par exemple ?
Enfin, une session à la Région ne serait pas complète sans parler de trains. Nous allons donc proposer de remettre une partie du budget sur les trains express régionaux qui ont été supprimés et sur la ligne Grenoble – Gap de l’étoile de Veynes [un combat de longue haleine]. D’autant que Laurent Wauquiez a beau tenter de parfaire son image « gilets jaunes compatible » en annonçant une baisse de 20% de la TICPE régionale, nul besoin de sortir de l’ENA pour calculer que ça ne représente que 2 petits euros d’économie par an pour l’automobiliste, mais 17 gros millions de recettes perdues pour le ferroviaire.
Bref, on va aider la majorité de Laurent Wauquiez à mettre un peu de contenu dans ses slogans creux de « région décarbonée » ou de « 1ere région durable d’Europe ». Souhaitez-nous de la patience, on a la tenacité et le courage.
Nos amendements RCES :
• Planter 1 arbre à chaque naissance d’un auvergnat rhônalpin
• Déployer des plans alimentaires territoriaux
• Aider les complexes touristiques à installer des jardins ou micro-fermes
• Intégrer le patrimoine naturel dans la politique de gestion du patrimoine
• Préserver un accès à la baignade pour les auvergnats et rhônalpins
• Encourager les activités de montagne alternatives au ski de piste
• Expérimenter un plan sobriété dans les lycées et construire des lycées à énergie positive
• Rénover les logements : chèques verts pour les particuliers
• Remettre en place les services TER supprimés
• Sauver la ligne TER Grenoble/Gap (étoile de Veynes)
• Adapter notre appareil de formation aux métiers d’avenir : agriculture, écohabitat, espaces naturels, énergie, eau, assainissement, traitement des déchets, forêt et protection des écosystèmes
• Créer un fonds pour relocaliser et maintenir l’activité socialement utile
• Lancer une académie des savoirs manuels et des low tech
• Créer un label régional de l’entrepreneuriat social
• Créer un observatoire régional de la prévention des risques naturels
• Lutter contre l’exclusion sociale et soutenir les initiatives citoyennes, pour redonner de la puissance d’agir
• Intégrer le soutien aux migrants dans le fonds solidarité
• Mettre en place un plan moustique tigre