Urgence climatique, action politique, Gilets Jaunes et Laurent Wauquiez : on a fait le point ce jeudi, en prenant le temps, sur la radio locale de Haute Loire FM43.

“Jeudi gère l’actu” du 29 novembre 2018 avec Corinne Morel Darleux (cliquez ici pour écouter l’émission)

J’y suis également revenue sur mon départ de la direction du Parti de Gauche. Pour les valeureux anti-GAFAM, je remets ci-après le mot que j’ai publié sur les réseaux. Avec un écho saisissant et un flot de messages depuis auquel sincèrement je ne m’attendais pas, très justes et respectueux dans leur écrasante majorité. Je ne me trompais pas en écrivant “Ce que je lis, vois et entends, me fait penser que nous sommes nombreux à envisager cette période troublée comme une bifurcation et à ressentir le besoin d’un grand pas de côté“. Merci à toutes celles et ceux à qui je n’ai pas encore pu répondre. A très vite.

Je vais l’écrire très simplement et sans acrimonie. Les raisons qui m’ont poussée à quitter la FI avant l’été n’ont fait que s’accentuer depuis. J’avais fait le choix malgré tout de rester à la direction du PG, je la quitte aujourd’hui.

Je milite depuis dix ans dans ce parti, je lui ai donné de belles années de ma vie et en ai reçu tout autant. J’y reste attachée, politiquement et humainement. Simplement aujourd’hui le hiatus devient trop grand entre la stratégie électorale de conquête du pouvoir et l’accélération de phénomènes susceptibles de provoquer un effondrement à la fois écologique et social à l’échelle mondiale.

Climat, biodiversité, montée des extrémismes, des inégalités, dévissage culturel, mondialisation des échanges et contrôle des algorithmes, la vulnérabilité de nos sociétés est de plus en plus critique. Et ce sont toujours les mêmes qui sont sous le joug, de plus en plus exposés, en première ligne des victimes présentes et à venir. Nous devons nous laisser percuter par la situation et en prendre la mesure avec lucidité et responsabilité.

Or il me semble que la stratégie et les moyens mis en œuvre par la FI aujourd’hui au mieux passent à côté des enjeux, au pire desservent les fins. Dans les deux cas elles me semblent en-deçà de l’exigence écosocialiste. Les « signifiants vides » du populisme et de la stratégie anti-Macron, visant à fédérer le plus largement possible, étouffent trop souvent la radicalité du projet initial. Les affaires internes et le commentaire systématique de l’actualité me semblent de plus en plus hors-sol. Les réactions auto-centrées nous coupent les ailes. J’ai toujours plaidé pour l’alliance d’une aménité de ton et d’une radicalité de fond, je vois l’opposé. La critique interne, même bienveillante, est vécue comme une attaque, le pas de côté comme une trahison. J’en viens donc à la conclusion que c’est ailleurs que je serai la plus efficace, que les choses pourront bouger.

Depuis deux ans, des montagnards aux forestiers en passant par les rapports scientifiques sur les risques d’effondrement, j’explore des chemins de traverse, au contact d’espaces intellectuels et militants différents. Face à l’urgence il y a d’autres formes politiques à inventer, des passerelles à faire et des réseaux à activer, des actions de désobéissance civique à organiser (*), des risques et des conflits à anticiper collectivement. C’est crucial, et cela se heurte à trop de limites dans un cadre soumis aux échéances électorales et à l’injonction médiatique. L’heure est venue de sortir de nos zones de confort et de repenser en profondeur nos stratégies et modes d’action. Pour ma part je ressens la nécessité de recentrer mon temps et mon énergie, en cohérence avec le cheminement de ma réflexion (dont j’avais déjà posé quelques bribes ici).

Le centre de gravité de l’action politique est en pleine évolution. Il y a des parcours de radicalité à accompagner du côté des mouvements climat, une alerte écologique à amplifier du côté des mouvements sociaux. Des arbres à planter et des chantiers à bloquer. De nouveaux récits collectifs à construire, et une bataille culturelle à mener. Voilà ce à quoi je souhaite me consacrer. Je crois qu’il faut agir là où on se sent utile, accueillie et en phase avec ses convictions. Ce que je lis, vois et entends, me fait penser que nous sommes nombreux à envisager cette période troublée comme une bifurcation et à ressentir le besoin d’un grand pas de côté.

Je ne fais pas de mon départ un événement, ni un coup de sang. Je ne souhaite déclencher aucune querelle et c’est une décision personnelle, quoique politique, qui ne comporte aucun jugement sur celles et ceux qui poursuivent la lutte au sein de la FI et du PG, et le font avec sincérité. Je reste plus que jamais écosocialiste, attachée à la dignité du présent, avec la ferme détermination de continuer à militer activement.

– Petit bonus pour celles et ceux qui m’ont lue jusqu’au bout : je reste au PG, en compagne de route exigeante mais bienveillante, je continue à assurer le mandat régional qui m’a été confié face à Laurent Wauquiez, et oui j’ai été approchée mais non je ne pars ni pour une place chez EELV, ni chez Générations, ni pour rejoindre Place Publique. En fait je sais que ça parait toujours étrange à certains, mais on ne quitte pas toujours une fonction pour choper une place ailleurs. Parfois on fait simplement ce qui semble juste à un moment donné.

(*) Comme le font déjà les “malfaiteurs en bande organisée” à Bure, les opposants au projet GCO qui plantent des arbres le long du tracé tout en bloquant les chantiers de Vinci, ou encore Extinction Rebellion en Angleterre