Que cette année 2019 a été dense et belle. Entre les mobilisations sociales et climatiques, de l’occupation des tours de la Défense à la grève actuelle contre la réforme des retraites, de blocages d’entrepôts Amazon aux représentations du Ballet sur le parvis de l’Opéra Garnier… Difficile de penser qu’il y a un an on en était encore à commenter la démission de Nicolas Hulot et les premières marches pour le climat, que c’était le début du mouvement des Gilets Jaunes, que Cerveaux non disponibles, Youth for Climate ou Extinction Rebellion n’existaient pas encore en France. Et, de manière plus personnelle, difficile d’imaginer qu’il y a un an seulement je rencontrais mon éditeur – et n’en revenais pas. Six mois plus tard, début juin, “Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce” sortait aux Éditions Libertalia. En cette fin décembre, il en est à son huitième tirage, à 12.000 exemplaires.
Six mois que je vole de luttes politiques en librairies et festivals, et que je ne ne sais comment remercier toutes celles et ceux qui accompagnent ce petit livre avec autant de sensibilité, de confiance et de constance, de salles associatives en débats politiques, d’arrières cours improbables en lieux censément prestigieux… Merci. A vous, éditeurs, lectrices et lecteurs, libraires, organisateurs de rencontres et de débats, radios libertaires et associatives, blogueurs passionnés et journalistes affûtés, camarades de luttes, voisins, activistes et intellos, à vous précaires et radicaux, militants apprentis ou expérimentés, amies imparvenues, pisteurs de sauvage, romanciers généreux, adeptes de la beauté et fans de poésie, élus et consultants en rupture de ban, paysans engagés, navigateurs émus et réseauteurs assidus, amis tout simplement…
Parmi les multiples plaisirs que me procurent les nombreux témoignages de lectrices, lecteurs et libraires, une mention spéciale à ceux qui m’indiquent que le petit bout de chemin de mon livre permet aussi de faire revivre “La longue route” de Bernard Moitessier. Merci encore une fois à l’équipe de Campus Sauvage à Arles qui pour ma dernière intervention publique de l’année m’a permis de retrouver Alain Damasio, qui m’a fait le cadeau de lire, de sa voix slamée, des extraits de mon livre face à un public de voltés blindés de vitalité, d’appétit intellectuel, d’envie d’expérimentation et de joyeuse énergie. Merci, pour les plus récents et pêle-mêle, à Framasoft pour ce bel article sur l’archipélisation, à la radio libertaire Jeudi Noir pour ce débat critique autour de mon livre que j’ai aimé écouter, à cette recension dans Marianne ou à l’émission Un livre un jour pour la recension de mon livre « Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce » et cette magnifique animation entre mers et montagnes…
Grâce à vos retours j’ai l’impression de devenir écrivaine, sans oser encore l’écrire. J’ai grandi avec des livres, des romans qui m’ont accompagnée dans mes moments de solitude, m’ont sauvée de moments pénibles en ouvrant des échappées, m’ont nourrie. Ma gratitude envers les auteurs qui savent offrir les mots qui évadent, envolent et consolent est infinie. Envers celles et ceux, surtout, qui savent raconter une histoire, nous y emmener avec grâce, fantaisie et finesse, celles et ceux qui construisent des mondes, des univers entiers par l’alignement de lettres sur une page. Qui font pouffer, sangloter ou frissonner juste avec des mots. J’ai toujours trouvé ça magique. Et remarquable. La fiction, l’imaginaire… Je ne me sentirai réellement écrivaine que lorsque je saurai offrir ça je crois. Des récits, des paysages et des personnages comme autant de renforts qui sauvent ne serait-ce qu’un instant de l’ennui, de la morosité, de la médiocrité, des naufrages et du dévissage de la société. Je ne m’en suis jamais sentie capable. Jusqu’à aujourd’hui.
Au menu de 2020 pour les semaines à venir, il y aura toujours de l’action politique, des luttes et de l’appui, de la création et de la résistance. Il y aura aussi la parution de deux livres collectifs, chez Albin Michel et aux éditions du Seuil avec Reporterre, un papier sur la manière dont la fiction nourrit la politique dans le numéro spécial de Socialter dédié aux Imaginaires, un long entretien dans la revue Imagine, des conférences dessinées avec Gaétan Dorémus, et je reprendrai la tournée de “Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce” avec la librairie Quai des Brumes à Strasbourg le 2 avril, une conférence à Sciences Po Grenoble le 8 avril, les festival Terre et Lettres à La Rochelle le 9 mai et des dates prévues à Nyons, Chateldon, Niort, Limeil, en Bretagne, dans le Limousin, l’Yonne, l’Ardèche…
Mais avant ça j’entre en hibernation jusqu’à fin mars pour me consacrer à un nouveau projet d’écriture, vous l’aurez compris, un roman cette fois, un acte décisif pour moi. Je vais donc essayer de me faire plus rare, à l’instar de l’Ours de Gobi qui vit dans le désert, se nourrit de rhubarbe et ne se laisse pas facilement voir… Prenez soin de vous, ne cédez rien de ce qui vous est singulièrement essentiel, autorisez-vous le beau, le sauvage, le futile et vital. Dévorez 2020 avec grâce et Carpe that fucking diem. Soyons fiers et heureux. Bel hiver à tou-tes.