Malgré des irrégularités constatées, des observateurs internationaux empêchés d’accomplir leur mission, des enveloppes suspectes, des bureaux de vote qui ont été éloignés dans la partie kurde du pays, des modalités de vote et de dépouillement modifiées, malgré les espoirs de l’opposition, Recep Tayyip Erdogan est donc réélu avec plus de 52% dès le premier tour.
Le régime ultraprésidentiel qu’il s’est fait voter par referendum constitutionnel l’an dernier va désormais entrer en vigueur, affaiblissant considérablement le contre-pouvoir du parlement. Le Président aura tous les pouvoirs de l’exécutif, il n’y aura plus de Premier Ministre, il pourra gouverner par décret et contrôler le Parlement qui perd son rôle de contrôle de l’exécutif. Son parti l’AKP y aura en outre la majorité grâce à l’alliance nouée avec l’extrême droite nationaliste du MHP qui obtient 11% des voix.
Seule consolation à ce paysage sombre pour la Turquie, la liberté d’expression, la démocratie et l’avenir des kurdes : les scores du HDP. Malgré la répression constante depuis deux ans de ses élus et candidats, malgré la confiscation de son temps de parole dans les médias, son candidat à la présidentielle Selahattin Demirtas, qui a du faire campagne de sa cellule en prison, a réussi le très bon score de 8%, et le HDP dépasse la barre des 10% aux législatives, ce qui lui permettrait de remporter 67 sièges (8 de plus si le résultat est confirmé). En-deça de ce seuil des 10%, il n’aurait eu aucun siège, ceux-ci auraient été redistribués à l’AKP. Le HDP sera donc le troisième parti de l’assemblée.
En janvier, RT Erdogan déclarait lors de sa visite à Emmanuel Macron à propos des purges en Turquie : “Ce n’est pas fini (…) Nous condamnerons autant de personnes qu’il sera nécessaire de condamner“. Le 10 juin dernier, en meeting, il a promis à ses électeurs de faire exécuter Selahattin Demirtas.
Ce matin c’est vers lui, vers les opposants, journalistes, fonctionnaires, enseignants, ONG, universitaires et militants, que se tournent toutes mes pensées.