Comme le dit Janette Habel : « C’est cela qui résiste à l’analyse ; c’est un défi pour la pensée unique (…) Il y a une spécificité du système politique cubain, mal analysé par une pensée manichéenne : c’est soit, pour les uns, la Corée du Nord, soit, pour les autres, le paradis socialiste que l’Union soviétique n’a pas pu incarner. Rien de cela ne répond à la complexité de la réalité cubaine. »
C’est une vraie discipline que de lutter en politique – y compris parfois contre soi-même – pour éviter le manichéisme qui sert souvent de paravent au sectarisme. C’est tellement tentant parfois. Tellement mainstream.
Et pourtant. Il n’est pas de sauveur suprême. Ni dieu, ni maître. Peu de purs bourreaux, encore moins de purs héros. Des camarades, qui ne sont pas toujours des amis. Des adversaires, qui ne sont pas forcément des ennemis. Nous sommes cernés de nuances.
Alors toujours, faire l’effort de la raison.
Et suivre ces moteurs inépuisables que sont la curiosité et l’envie…
J’ai été invitée hier à me rendre à Cuba pour représenter le PG a l’occasion des cérémonies liées au décès de Fidel Castro. J’ai consulté mon père, un camarade, mes proches, une écolo, un dirigeant de mon parti. Je me suis dit que j’allais déguster – dans tous les sens du terme. J’ai hésité toute la nuit.
Et puis finalement j’ai écouté la petite voix qui me disait que c’était une opportunité inouïe de sentir le pouls de ce pays. Une île qui pendant des années a représenté les veines enfin refermées d’une Amérique latine qui s’y trouvait enfin une voie de résistance à l’impérialisme et s’inventait une nouvelle souveraineté. Quoiqu’on en pense – et je n’ai personnellement pas de religion à ce sujet non plus – Fidel Castro aura, à une période de l’histoire, créé un élan d’utopie et de progrès pour les plus pauvres, en matière d’éducation ou de santé, qui marque encore tout un continent. Une révolution cubaine face aux casinos de la mafia qui fut un point d’appui pour les insurrections bolivariennes qui ont suivi. Qu’on voit en lui le despote ou le révolutionnaire, et il aura assurément relevé des deux, il y a là matière à apprendre du passé.
Je pars avec mon regard critique. Comme je l’ai toujours fait. Que ce soit pour débattre de l’encyclique Laudato Si avec des chrétiens progressistes ou parler de laïcité avec La libre pensée. Au bureau exécutif d’un Parti de la Gauche européenne peu enclin à la rupture avec l’UE, ou avec les eurosceptiques de Chapitre 2, beaucoup plus radicaux. Que ce soit pour soutenir à Grenoble les avancées de la municipalité sans attendre que tout soit parfait, ou appuyer la candidature de JL Mélenchon et le mouvement naissant de la France Insoumise – sans attendre que ce soit parfait non plus. Et tout comme j’argumente sur le fond, dans mon mandat d’élue à la région Auvergne Rhône Alpes, en attaquant son projet sans pour autant insulter Monsieur Wauquiez.
Un peu de pensée complexe ne nuit jamais.
Je tâcherai de rendre compte ici de ce que j’aurai vu, entendu et observé là-bas. Je ne suis pas une experte de Cuba, d’autres analyseront tout ça mieux que moi. Mais je sais regarder.
Je vais écouter et observer, donc, ce pays des romans de Leonardo Padura, un pays dont l’histoire est singulière, inédite. Qui a vécu le blocus et construit la transition agricole sans pétrole. Qui a fait rêver et souffrir. Qui oscille aujourd’hui entre deux générations : ceux qui ont connu Batista et ceux qui n’ont connu qu’Obama.
Sans occulter les parts d’ombre, mais sans hurler avec la meute. Ne comptez jamais sur moi pour ça.
Pas de postures. De la curiosité et de l’ouverture. Et un peu d’honnêteté dans ce monde qui en témoigne si peu.