J’ai été invitée par L’Humanité à contribuer aux pages Débats & Controverses du numéro du 1er juin sur le thème : « Sur quelles bases la gauche de transformation peut-elle se reconstruire? », voici mon texte.
Je ne sais pas vous, chers amis lecteurs, mais personnellement j’observe le paysage politique en France avec un étonnement grandissant. Pour le meilleur, quand est enfin franchi le seuil que nous attendions tant, avec le beau score de 20% à la présidentielle avec JL Mélenchon et le programme de la France Insoumise. Pour le pire, quand je vois progresser les voix du FN, et l’abstention devenir une revendication politique – hélas compréhensible quand on considère qu’un M. Fillon peut être mis en examen et se présenter à la plus haute fonction, qu’une Mme le Pen porteuse de haine et ouvertement méprisante des convocations de la justice arrive au second tour, qu’un M. Macron enfin est élu Président de la 5e République sans adhésion des Français, sur un projet dont la régression sociale, écologiste et démocratique est totalement assumée.
Mais la bonne nouvelle c’est que des gens qui n’avaient jamais entendu nos idées ont sursauté, et qu’ils ne sont pas près de l’oublier. Oublions deux secondes nos affaires internes, on n’en a déjà que trop pâti et dispersé trop d’énergie. C’est cette recomposition là, dehors, qui est en cours : celle de citoyens qui entendent que le climat redéfinit l’intérêt général, qui comprennent que la misère sociale n’est pas une fatalité, que les richesses existent, que la paix est possible. Nous avons enfin planté le clou dans la faille du TINA (There is no alternative). Reste à taper. Et pour ça nous avons un marteau puissant : l’écosocialisme.
En liant justice sociale, écologie, implication populaire et internationalisme, l’écosocialisme est le projet à la fois désirable et possible qui nous permettra de fédérer toutes les bonnes volontés en rupture du capitalisme et du productivisme : des forces qui se réclament de la gauche au monde du travail et des syndicats, les mouvements qui luttent pour le climat ou contre la fraude fiscale, les associations de défense de l’environnement, les citoyens tout simplement soucieux d’un monde meilleur. Parce que chacun peut y retrouver ses petits, ses combats, ses marqueurs.
Après des décennies contre-productives à opposer emploi et environnement, industrie et écologie, à culpabiliser ceux qui croulent déjà sous les dépenses contraintes et qui n’ont pas franchement le choix que de prendre leur vieux diesel pour aller au travail ; après tant de discours boutiquiers qui omettaient de pointer l’ennemi commun, ce système qui exploite à la fois les travailleurs et la nature ; après des années à gémir de ne pas voir les gens venir à des réunions publiques le soir alors qu’ils ont galéré toute la journée et que leur préoccupation immédiate c’est de savoir comment payer la cantine du petit, le dentiste ou le loyer : il est temps de changer.
Dire notre projet en positif, dessiner l’après, le faire dans les cafés, sur les places et les marchés, dans les salles de ciné, en bande dessinnée, à la sortie des supermarchés : là où les gens vivent. Et repartir du sens commun. Si je ne devais garder qu’un exemple, à marteler, ce serait la gratuité des premiers watts d’électricité et litres d’eau. Elle peut être assurée en régie publique et financée en renchérissant les consommations abusives. En somme, que l’eau qui sert à cuire les pâtes ou à prendre sa douche soit prise en charge par ceux qui arrosent leur 4×4 ou un golf. Parce que l’eau doit être évaluée en fonction de son usage, vital ou dispensable, parce qu’un accès de base à l’énergie est nécessaire à une vie digne, parce que nous devons user avec parcimonie de ces ressources rares et précieuses.
Voilà une mesure écosocialiste par excellence ; notre meilleur outil de recomposition est là : sans diversions tactiques ni calculs de boutiques, juste du fond, au service des besoins humains et de notre avenir en commun.