Après 23 heures de discussions sur le budget, la convention TER et divers dossiers ramassés sur deux jours, une courte nuit au milieu et l’examen de 193 amendements, voeux et questions orales, notre dernière session de l’année se termine avec une convention TER et un budget adopté par 110 voix contre 83. Une pause enchantée de mésanges punks qui sont venues se poser sur mon épaule à point nommé (merci Alessandro !)… Et six heures de retard.
C’était prévisible. A force de vouloir tout faire rentrer dans un agenda de Président pressé qui devait se rendre à Maisons-Alfort le soir même pour un meeting de course à la présidence LR – résultat, le Président de Région n’aura pas assisté à la fin de la session régionale… On avait alerté, c’était évident que ça ne pouvait pas rentrer en un jour et demi ! Las, une fois de plus on s’est retrouvés à travailler dans des conditions franchement pas sérieuses : débattre du régime indemnitaire du personnel de la Région, en plein chaos social (voir ce dossier Les Jours “Wauquiez, le cas social”), à 1 heure du mat, comment dire… La première journée de session a été littéralement polluée par les allers-retours de coulisse entre Laurent Wauquiez et les frondeurs centristes de sa majorité : à force de tout centraliser autour de sa personne, Laurent Wauquiez a fini par installer un système où pas un membre de son exécutif n’ose bouger le petit doigt quand il n’est pas là. Résultat, Laurent Wauquiez n’a du assister qu’à à peine un tiers des discussions exposés, pas de retour sur nos amendements passés à la moulinette du “Avis défavorable de l’exécutif, je le soumets au vote“. Des heures de travail argumenté, fouillé, sérieux, balayé du revers de la main en trois mots. Un procédé grossier, ahurissant même quand on le met au regard des déclarations de Monsieur Wauquiez dans la presse, je cite : “J’attends que l’opposition de gauche fasse des propositions et mette ses idées sur la table“. Des propositions, on en a faites et sans abuser : pas d’obstruction, des amendements tous gagés et fondés, des critères d’éligibilité et même des esquisses de cahier des charges, on leur en a donné plus que ce que nous fournit la majorité ! Je vous en ai indiqué ici la liste en joignant notre dossier de presse.
Je garde un goût amer sur certains amendements qui me tenaient particulièrement à coeur, celui sur la forêt primaire ou mes “montagnes en transition”. Balayées en session avec un mépris inouï, traitées avec une désinvolture consternante de la part de cette majorité LR qui se soucie décidément plus de son congrès que d’intérêt général. Ces gens sont définitivement dogmatiques et d’un total irrespect. Sentiment de colère confirmé quand j’ai proposé de faire comme dans l’Hérault ou en Normandie : lancer un plan pour l’agroforesterie (notre amendement pour l’agroforesterie en pdf). Réponse de l’exécutif de Laurent Wauquiez : « On n’a pas reçu de demande de la filière ». Plié en une minute chrono. En l’absence du Président de Région et du vice président à l’agriculture…
Cesser d’avoir recours aux banques et organismes qui disposent de filiales dans les paradis fiscaux et/ou soutiennent des projets d’investissements dans les énergies fossiles (revoir la proposition ici) ? “Trop compliqué, il faudrait tout contrôler” selon Etienne Blanc, premier vice-président de Laurent Wauquiez.
Acquérir des parcelles de forêt comme je vous le décrivais ici pour compenser la destruction de la forêt primaire, la dernière d’Europe, en Pologne et les préserver en Réserve biologique intégrale ? “Surréaliste, adressez-vous au gouvernement polonais“, selon Philippe Meunier, bras armé à la sécurité de Laurent Wauquiez (oui oui, Philippe Meunier, celui qui voulait armer les députés).
Introduire une part de bio dans les cantines des lycées, comme vient de le faire la région Occitanie (amendement cantines bio RCES à télécharger en pdf) ? Proposer un dispositif de droit au repos pour nos petits agriculteurs (amendement 8 dimanche par an pour nos paysans en pdf) ? Créer une agence de la biodiversité, comme on est une des dernières régions à ne pas l’avoir fait ? Lancer un scénario Negawatt régionalisé ? … Ce sera non, et encore non.
Accompagner les agriculteurs qui décident de changer leurs pratiques pour se passer de glyphosate ? Non encore, avec cette réponse ahurissante d’Emmanuel Ferrand, délégué à l’agriculture de Laurent Wauquiez : “Monsanto cherche une alternative plus efficace au glyphosate, en attendant on ne sait pas faire sans“. Le Monde, Europe 1, BFM, LCI, Reporterre, La Croix… Mais où ce monsieur a-t-il passé ces dernières semaines pour avoir réussi à passer à côté des Monsanto papers, de la liasse d’articles qui y ont été consacrés et aux non moins nombreux sujets démontrant que les alternatives existent ? Monseur Ferrand est conseiller spécial de la Région aux fonds agricoles européens. C’est juste à pleurer.
Et bien sûr… Lancer des études sur le changement climatique en montagne et les politiques d’adaptation régionales ? “C’est pas avec des études qu’on va manger” – l’inénarrable Gilles Chabert.
C’est donc juste impossible d’avoir un débat un tout petit peu sérieux en Auvergne Rhône Alpes.
Et la session budgétaire ne faisait que commencer.
Sur la Convention TER, qui régit le service des trains et cars dans la Région, nous avons tout de même arraché le conditionnement du financement de la Région au maintien des moyens, effectifs et gares de TER, par la SNCF : en gros si elle dégraisse, la Région dégraissera sa contribution également. On aurait voulu faire plus, mais sans obligations de moyens dans la convention, c’est la meilleure astce qu’on a trouvé pour obliger la direction de la SNCF- au moins elle y réfléchira peut-être à deux fois. Les comités de ligne devraient également être rétabis, sous une forme améliorée, étendue à toutes les fomes de moblité. En revanche, Laurent Wauquiez reste sourd à la nécessité d’améliorer le service TER entre Lyon et Saint Eienne au lieu de son projet d’A45 cher à Vinci ; et on reste sur nos inquiétudes quant à l’ouverture à la privatisation en cours de convention et sur le risque que la SNCF remplace les trains par des cars en heures creuses ; le tarif Illico solidaire reste à 75% au lieu des 90% qu’on avait otenus au mandat précédent, et naturellement Laurent Wauquiez n’a pas varié d’une ligne et reste main dans la main avec la direction de la SNCF sur le fait de remplacer les agents et contrpoleurs à bord par des caméras et des policiers armés en dehors de leurs heures de service, qui eux bénéficieront no, pas de 75%, non pas de 90%… mais de la gratuité.
Au cours des discussions, je suis également intervenue sur le premier rapport sur l’égalité femmes-hommes du mandat, en rappelant qu’en France le Président du Sénat, le Président de la République, le Président de l’Assemblée Nationale, les présidents des 7 groupes politiques à l’Assemblée Nationale, et le Prséident de notre Région sont des hommes. Qu’en Auvergne Rhône Alpes, dans les services, les femmes représentent moins de 40 % des postes d’encadrement, 9 temps partiels sur 10 et qu’il y a 11 femmes pour 1 homme en congé parental. J’ai suggéré – en rappelant qu’en France, au vu des inégalités de salaire, depuis le 3 novembre à 11h44, les femmes travaillent gratuitement – que la Région mette des critères à ses aides aux entreprises sur le principe « pas d’écart salarial à poste égal ». Lettre morte bien sûr. J’ai enfin rappelé que la Région et le département de l’Isère avaient baissé leur subvention de 90% au CIDFF (Centre d’Information des Droits des Femmes et des familles) qui a du fermer après 40 ans d’existence, et baissé de 30 % la subvention régionale au Planning familial… Sans les troubler.
J’ai enfin sauté sur l’occasion d’un amendement sur l’accès au soins et les droits des femmes en zone rurale pour rappeler que dans le Diois on en avait 30, des jeunes femmes enceintes, suspendues à la promesse d’un hélicptère pour mettre au monde leur enfant : j’ai interpellé Laurent Wauquiez sur la fermeture annoncée au 1er janvier de la maternité et de la chirurgie d’urgence à l’hopital de Die, lui qui s’est tant félicité de lutter contre les déserts médicaux avec le cas de l’hopital de Saint Agreve en Ardèche, pour lequel il a fait une “dérogation exceptionnelle” pour “emporter la décision de l’agence régionale de santé pour le maintien de l’hôpital“. Manque de bol, il n’était pas là et Die n’étant pas Saint Agrève, il m’a été rétorqué que c’était du ressort de l’Etat. Rapport suivant.
Voilà… Un billet un peu long pour clore cette série “Face au budget de Laurent Wauquiez”, mais je voulais revenir sur tout ça, ces 23 heures tellement représentatives du système du futur président de LR – et des projets qui me tiennent à coeur. Sachez aussi que vos messages nous tiennent chaud pendant ces marathons dans le bocal de la Région. Tout comme de voir les plus de 50.000 vues sur Le Dauphiné Libéré pour notre bulletin de notes décalé de Laurent Wauquiez, loin du “AA” de Standard & Poors. Il y a de l’écho en région et ça fait plaisir. Vraiment. Merci à tou-te-s.
Et pour celles et ceux qui en voudraient encore : du son sur RCF où j’ai filé pour débriefer dans le journal régional de la radio, à peine la session terminée, et de la lecture chez votre kiosquier ou sur le site de Politis avec un portrait de “Laurent Wauquiez : le fou du Puy”, une double page où vous me retrouverez…