« Chroniques du Diois. Saison 2 », c’est reparti ! Et en cette rentrée les luttes à mener ne manquent pas, comme cette menace de fermeture qui pèse sur l’Espace Jeunes du Diois. L’occasion pour les ados de se saisir d’enjeux « politiques » et de se bouger, et pour les plus « grands » de réaffirmer que « la politique d’aujourd’hui se fait dans les lieux de vie, là où les gens sont, vont, vivent… »

Photo de une : Rémy Blang

Chronique publiée sur Reporterre le 24 septembre 2015 sous le titre : “La politique, ça ne dépend pas des politiques, ça dépend des gens”

Dans les rues de Die, on s’étonne de voir encore tant de monde. Entre rafales de vent et averses de pluie, le temps est à la Toussaint et on en oublierait presque que c’est encore l’été, même si il touche à sa fin. Les lycéens ont repris le chemin des classes, le jour commence à décliner plus tôt en soirée, c’est la rentrée.

Et comme toute rentrée, celle-ci est marquée par la réapparition des luttes à mener après l’illusoire trêve estivale. En gare de Die, l’agent de la SNCF me glisse que le guichet serait menacé de fermeture, je lance l’enquête. Je reçois également un mail d’appel à la solidarité pour constituer un réseau d’accueil de réfugiés dans la vallée. Enfin, après la relance de la pétition pour la maternité et un autre message d’alerte sur la MJC de Livron, c’est au Festival “Curieuses démocraties” de Saillans ce samedi qu’on m’alerte de nouveau sur la coupe de subvention du Conseil Départemental qui menace l’Espace Jeunes du Diois. En insistant sur le fait que si elle est mise en oeuvre aujourd’hui par la droite, cette coupe brutale a été préparée par la précédente majorité PS. Et que si rien n’est fait, c’est un acte de décès programmé pour janvier.

Alors que j’écris ces lignes en buvant mon café ce dimanche matin, la petite bande de jeunes qui ont dormi chez moi cette nuit se réveillent et descendent voraces et ensommeillés dans la cuisine où je suis installée. Deux lycéens de Die, le mien et son copain, et un jeune espagnol qu’on accueille en programme d’échange pour un mois et demi. J’attends qu’ils aient dévoré leurs tartines.

– Dis Rémi, l’espace jeunes, ça te dit quoi, qu’est-ce qu’ils font pour toi ?

– Ben je les aime bien, c’est mes amis, déjà. Y a le club jeux au collège et il y a énormément de monde qui y va au lycée. Et puis il y a la fête du jeu, une fois par an et c’est un événement super. Et aussi ils font des trucs à la médiathèque, des activités, et de temps en temps – quand il y a eu l’atelier ambulant de théatre par exemple, ou quand il y a un festival, ils sont présents avec des jeux de société. Et ils font des sortes d’échanges linguistiques il me semble. Ah, et c’est aussi avec eux qu’on réfléchit tu sais, à la rénovation de la place Saint Pierre… Eh Martin, l’espace jeunes ça te dit quelque chose, ils font quoi pour toi, eux ?

– Euh oui, je sais plus où c’est en fait…

– Mais si, vers la Mairie, tu sais.

– Ah ouais, ben ils font du jeu, quoi.

Martin n’est pas réveillé, Rémi se retourne vers moi.

– Je veux que tu sauves l’espace jeunes.

J’adore cette toute-puissance dont il me gratifie après m’avoir expliqué il y a quelques jours que la politique c’était pourri. Hum.

– Bon sauver je sais pas, mais je fais ma chronique du Diois dessus déjà, elle paraitra la semaine prochaine. Comme je ne sais pas encore si je pourrai aller à la réunion mardi, ce sera toujours ça…

En réalité, l’espace jeunes c’est tout ça et bien plus. C’est le pilier des actions dites “de prévention spécialisée en milieu rural”, c’est le lieu des politiques jeunesse, autant dire un outil indispensable dans notre vallée reculée. Alors je ne laisse pas filer mes ados sans avoir lancé l’idée que c’était peut-être aussi à eux de se bouger pour leur espace jeunes, en suggérant qu’ils rédigent un texte expliquant pourquoi l’espace jeunes doit être préservé selon eux, et qu’ils le fassent signer. Car si on part du principe que la politique concerne tout le monde, c’est aussi aux usagers de se mobiliser et de ne pas laisser les élus et les “grandes personnes” se dépatouiller entre eux.

Sans l’implication des lycéens, des habitants, de celles et ceux qui prennent le train, des futurs parents pour la maternité, de toutes celles et ceux qui font de la politique au quotidien comme Monsieur Jourdain, on ne fera rien. Alors ne nous laissez pas entre nous. Et ne restons pas entre nous. Arrêtons de croire que la politique se fait dans les meetings et que les abstentionnistes et autres navrés de la politique vont venir nous écouter si on les invite gentiment. Cette politique là est terminée. La politique d’aujourd’hui se fait dans les lieux de vie, là où les gens sont, discutent, vivent, apprennent, vont et viennent, s’engueulent et rient. Cette rentrée sera donc celle des cafés citoyens pour sortir les débats des salles municipales, des interventions in situ comme je le ferai à l’invitation d’enseignants au lycée Camille Vernet à Valence, des rencontres professionnelles comme au sommet de l’élevage à Clermont-Ferrand auprès des éleveurs de Ferrandaises, des débats dans les festivals comme cet été à Emmaüs Lescar Pau… Du hors-les-murs, du terrain, de l’air ! Inspirez, c’est la rentrée.