Dans ma vallée il y a des trains, des écoles, un hopital. C’est ce qui fait qu’on est reliés, que des gens viennent s’installer, qu’on nait, circule, apprend, grandit dans la vallée.
Supprimer une école, des trains, la chirurgie et la maternité, c’est condamner à terme toute la vallée. Bien loin des grands discours sur la ruralité. C’est pourtant ce à quoi on risque d’assister.
Trois exemples, trois combats.
Les trains de l’étoile de Veynes
L’étoile de Veynes, au croisement des lignes de Grenoble vers Marseille et de Valence à Briançon, s’est de nouveau mobilisée ce samedi à l’occasion des Assises de la mobilité, pour que vive la ligne des Alpes, qu’on puisse continuer à circuler en train dans la vallée de la Drôme, au quotidien. Dans notre vallée le train de nuit Paris-Briançon est menacé, des gares, des postes risquent d’être supprimés, et la Région Auvergne Rhône Alpes s’obstine à investir 132.000.000 d’euros dans une autoroute Vinci entre Lyon et Saint Étienne au lieu d’y mettre des trains, à soutenir le pharaonique Lyon-Turin – qui sera en partenariat public-privé lui aussi – au lieu d’aménager la ligne existante. Laurent Wauquiez joue les gros bras dans la presse avec “sa” convention TER signée avec la direction de la SNCF avant même qu’on l’ait votée, et oublie de préciser que beaucoup de choses annoncées existaient déjà, à commencer par les pénalités de retard. La Région et la direction de la sncf installent de concert des caméras et suppriment la présence de contrôleurs, on remplace les humains par des machines, Laurent Wauquiez est tout content d’annoncer la gratuité des trains pour les policiers mais oublie de rappeler qu’il a sabré les réductions pour les chômeurs et précaires… Et on n’a toujours aucune garantie sur les moyens, toujours pas de comités de ligne pour faire dialoguer sncf et usagers, on ne sait toujours pas si on aura des cars ou des trains. Chaque action, chaque mobilisation compte. Ré-écoutez cette émission de France Culture “Sur la route d’un cheminot” le long de la Drôme, lisez cet excellent reportage de terrain réalisé par Les Jours avec We Report auprès de ces agents qui évitent les retards, et dont les postes sont menacés sur la ligne des Alpes : “Laurent Wauquiez joue aux petits trains”. Comme cela a été fait à Veynes, ou à Saillans et à Crest où nous avons organisé nous-mêmes notre comité de ligne et fait une projection-rencontre entre cheminots et citoyens, mais aussi à Nice, Paris, Briançon, à Grenoble et à Die : dites-le, rejoignez les actions, faites-le savoir, organisez des rencontres, partagez ! Et prenez le train…
L’école du village de Sainte-Croix
C’est une petite école rurale qui accueille 18 enfants, de la grande section au CM2, des villages de Pontaix, du Quint et de Sainte-Croix. Le 25 aout, la Mairie recevait un courrier de Pole Emploi : “crédits notifiés par l’État épuisés, fin des deux contrats aidés” pour l’école, à quelques jours de la rentrée… Pendant trois semaines, les élus de la Mairie, les parents, les grands-parents, les voisins, les habitants se sont démenés : trois semaines de luttes, de blocage, d’auto-organisation et de tissage de liens joyeux de solidarité dans le village pour sauver les deux contrats aidés. On en a fait un petit reportage vidéo à retrouver ici sur le site local Ricochets, troisième volet d’une série pour incarner les impacts concrets de la suppression des contrats aidés dans notre vallée. Ces suppressions décidées par Emmanuel Macron tombent comme la grêle aux mêmes endroits déjà assommés depuis des mois par les coupes de subventions de Laurent Wauquiez : associations, petits festivals, réseaux ruraux, espaces sociaux et culturels, lycées pros (je vous parlais ici de ma rencontre au lycée Bouvet à Romans sur Isère). Laurent Wauquiez a beau répéter comme il l’a fait chez Ruth Elkrief que « Emmanuel Macron ne fait pas ce que nous aurions voulu faire. La politique qu’il porte n’est pas une politique de droite », pardon mais la différence n’est pas flagrante : suppression des contrats aidés d’un côté, coupe des aides aux associations de l’autre ; pérennisation de l’état d’urgence et financement de la vidéosurveillance ; FNSEA et lobbies de part et d’autre ; réforme de l’ISF et refus de l’impôt ; Montagne d’or et A45… Ca se ressemble furieusement.
L’hôpital de Die
C’est une des plus petites maternités de France et un des plus gros employeurs de la ville. C’est aussi une des raisons majeures avec la gare, la cité scolaire et le théâtre, pour laquelle les gens et notamment les jeunes familles viennent s’installer à Die. La garantie de pouvoir être soigné ou mettre au monde des enfants sans avoir à aller jusqu’à Valence par les petites routes de montagne. C’était un des engagements de François Hollande : pas un citoyen à plus de 30 minutes d’un service d’urgences. Des années de lutte, de témoignages, d’expo-photo de générations entières nées à Die, d’arguments et de manifestations pour réclamer une autorisation de 5 ans, comme à Privas, une garantie sans laquelle l’hopital se meurt :trois praticiens étaient intéressés, mais qui viendrait s’installer à Die en famille avec un CDD d’un an ? Le collectif pour l’hopital de Die n’a pas ménagé ses efforts. On nous a dit qu’il n’y avait pas assez d’actes pour garantir la sécurité des accouchements : des études ont démontré que le risque était plus fort de prendre la route. Les praticiens ont expliqué qu’ils exercaient aussi ailleurs et maintenaient ainsi leur qualification. On a expliqué que les accouchements à domicile, non comptabilisés, ne sont possibles que par la proximité des équipements d’urgence de l’hopital. On a cartographié les kilomètres et redit que ni Samu ni hélicoptère ne prennent en charge un accidenté dont l’état n’est pas stabilisé. On a rappelé qu’on n’est pas à Paris ici, mais en montagne avec des risques accrus d’accident. Que le temps d’intervention pour une femme enceinte qui fait une hémorragie est de 20 minutes. Que pour une plaie ouverte c’est 45 minutes. On a documenté l'”exception géographique” et la notion juridique de “perte de chance de survie”, de jeunes femmes enceintes ont porté plainte à la gendarmerie pour mise en danger de la vie d’autrui. On a redit qu’on n’était pas des citoyens de seconde zone. On a écouté Laurent Wauquiez clamer qu’il se battrait contre les déserts médicaux et me répondre en session à la Région “Il ne vous a pas échappé que précisément dans c’est un sujet important pour moi” et de dire, au sujet d’un autre petit hopital, celui de Saint -Agrève : “Quand vous le regardez depuis Paris, les routes sont plates et ils pensent qu’en une demie-heure on peut aller en voiture à valence ou Annonay“. En effet, je confirme Monsieur Wauquiez : de Luc-en-Diois c’est 1h38 de petites routes de montagne pour Grenoble, 1h40 pour Valence, 1h24 pour Gap.
La Ministre de la Santé vient d’annoncer la fermeture de la maternité et de la chirurgie d’urgence au 1er janvier. Allez, restez chez vous ou allez vous blesser ailleurs, ne faites plus d’enfants et vive la ruralité ! Ah si, pardon : en lot de consolation, un scanner flambant neuf et des sous pour rénover l’hopital. Bonus : un hélicoptère… Je vous invite à relire le dossier très complet sur Basta “Comment la fermeture des petites maternités menace la santé des mères et de leurs enfants” et si vous êtes dans le coin venez manifester avec le collectif devant l’hopital de Die samedi 2 décembre : deux fois déjà, en 1986 et en 2008, la mobilisation a permis de sauver l’hopital de Die.
Ah, et une dernière chose : n’hésitez surtout pas à demander ce qu’elle en pense à à Célia de Lavergne, LREM fraîchement élue Députée de notre vallée. Je n’ai rien vu ni sur son compte twitter, ni sur sa page Facebook. Curieux.