Une belle énergie place de la Bourse à Paris, ce dimanche 24 mars pour la journée de déclaration du mouvement Extinction Rebellion ! Vous pouvez retrouver quelques articles de presse ici ou là. J’ai eu le plaisir d’y intervenir aux côtés de nombreux rebelles, des musiciens de l’Orchestre Debout, de Susan George, Claire Lévy, Pablo Servigne et Jean-Baptiste Fressoz. En plus des photos et vidéos publiées sur la page FB de XR, voici mon intervention, en texte et en vidéo. Puisse-t-elle inspirer les actions à venir et infuser les esprits.
Déclaration de rébellion – XR – 24 mars 2019, place de la Bourse à Paris
Salut à tous
Je voudrais commencer, pour cette dernière prise de parole, par remercier tou-te-s les rebelles qui ont préparé cette journée de déclaration de rébellion depuis des semaines. Et merci à vous d’être venu-e-s sur cette place de la Bourse aujourd’hui, pour ce moment qui n’est qu’un début, et qui est je l’espère un tournant :
– ça fait plus de 40 ans qu’on sait qu’on va dans le mur,
– 10 ans qu’on demande au président, au préfet, aux gens, de changer le système et de se bouger
– que les uns et les autres, chacun à son poste, on a tout essayé pour convaincre en restant dans les clous de la légalité : lancer des pétitions, se présenter aux élections pour changer les institutions, modifier nos comportements et nos consommations, écrire des livres, en lire beaucoup, se compter le samedi entre Bastille et Nation, écrire des programmes anticapitalistes et expliquer où prendre l’argent
– des années qu’on crie dans le désert, qu’on se prend des coups, qu’on se fait traiter d’utopistes ou d’allumés,
– des années qu’on cherche l’unité pour faire masse, et des objectifs raisonnables pour ne pas fâcher…
Et alors qu’enfin la prise de conscience s’accélère, que les scientifiques sonnent l’alarme par milliers, que les jeunes se mettent en grève dans les lycées, le jour où on obtient deux millions de signatures, même là il ne se passe toujours rien !
Pire. Au fur et à mesure que les manifestations et la colère grandissent, en jaune, en rouge, en vert, ce qui grandit en face n’est pas l’action, mais la répression ! Les dégradations s’accélèrent, la crise sociale et la misère s’étendent, le climat et la biodiversité dévissent.
Et les seuls à pouvoir se mettre à l’abri sont ceux qui ont les moyens de le faire : les ultra-riches et les patrons des lobbies. Les plus pauvres, les plus fragiles, eux, sont déjà dans la catastrophe, du Mozambique à la Syrie, des paysans aux quartiers populaires. Selon la Banque Mondiale, à cause des dévastations environnementales 100 millions de personnes supplémentaires vont basculer dans la pauvreté d’ici 2030.
Ça urge et ça fait mal, déjà, des espèces disparaissent, à jamais. Elles ne reviendront pas. Le GIEC nous dit qu’on a douze ans, pas pour éviter le 1,5°C, mais avant de l’atteindre !
Tout ça n’est pas une histoire d’optimisme ou de foi, mais des faits. Il ne s’agit pas de se raconter des histoires pour se faire peur dans le noir, mais de regarder la réalité en face. Et ça ne se passe pas dans dix ou trente ans, mais maintenant.
Je vous le disais au début, on est à un tournant. Et ce tournant ne peut pas être de passer brutalement du déni au tout est fini !
Entre les deux, il y a la phase du combat, celle où on agit et où on se bat. Avec amour et rage.
Parce que la meilleure consolation, c’est l’action !
Alors aujourd’hui, place de la bourse, on se munit de courage et de lucidité, et en responsabilité dans les pas de celles et ceux qui nous ont précédés, de la ZAD de Notre Dame des Landes à Sivens ou à Bure, on change de braquet : avec toutes celles et ceux qui le peuvent, au nom de toutes celles et ceux qui ne peuvent pas, qui sont en danger ou dans l’impossibilité matérielle de se battre, XR décide de passer à la désobéissance et s’il faut choisir entre rester dans la légalité ou sortir du système, eh bien nous en sortirons.
Et moi je vous le dis, j’espère qu’on va passer à l’action à impact direct et concret, pas juste symbolique, à des actions qui portent dans leur réalisation leurs propres revendications, qu’on va saboter le système, planter des arbres et bloquer des chantiers, en bref : préserver ce qui doit l’être, ralentir la destruction, se battre contre chaque mètre carré de béton et aller sauver chaque dixième de degré…
Tout en se préparant à ce que tout ça ne suffise pas à éviter l’effondrement, donc en même temps on va continuer à préparer le monde d’après, à base d’autonomie, de relocalisation, de résilience, de courage et de loyauté.
Cher-e-s rebelles, je veux être sincère avec vous, je ne sais pas si on arrivera à enrayer le désastre.
Mais à défaut d’inverser le cours des choses, je suis certaine que nous ajouterons un peu de beauté et de dignité à ce monde qui en manque cruellement.