Ballade composée pour le magazine Imagine, publiée dans son numéro d’automne 2023, également disponible en version audio ici

Fantaisie romantique composée de huit strophes de huit vers, huitains de huit pieds chacun, sans envoi mais avec refrain.

C’en est assez de côtoyer
Le cynisme des dirigeants,
L’orgueil toxique des grands guerriers,
La bêtise et l’étrécissement.
Je veux m’allonger dans le vent,
Cueillir des feuilles d’angélique
Et ne rien faire tout simplement.
Oh comme rêver est cathartique !

Nos luttes sont de rudes épopées,
Petits moulins face aux géants.
Essoufflés, luttant pied à pied,
Evadons-nous juste un instant.
Devant nous la beauté des champs
Exerce un attrait magnétique.
Et le murmure du firmament…
Oh comme rêver est cathartique !

Ici tout est trop étriqué,
Pourri par l’indigne et l’argent.
Ailleurs nous pourrions bricoler
Un avenir bien mieux qu’avant.
Viens, rêvons plus loin maintenant…
Conjurons nos fatigues chroniques
En fuguant magnifiquement.
Oh comme rêver est cathartique !

Imagine la joie, la beauté…
Ce serait bucolique et grand.
Nous porterions toutes l’épée
Dégainée, les cheveux au vent,
Sans jamais faire couler le sang :
Juste pour être belles et cosmiques
Comme on l’est quand on a vingt ans.
Oh comme rêver est cathartique !

Regarde notre royaume d’été.
On n’y trouve ni or ni diamants,
Ni dominant ni dominé,
Mais des montagnes et des torrents,
Des singes citrons et des banians,
De la menthe poivrée, des dik-diks,
De tendres amies et des amants.
Oh comme rêver est cathartique !

On s’inventera des qualités,
Nos propres griffes de Rahan.
Fierté, amour et liberté.
Ou si tu préfères : eau, feu, vent.
On s’agitera paresseusement,
Je te promets des rites magiques,
Des fous rires et des airs gourmands.
Oh comme rêver est cathartique !

Je pourrai semer, lire, broder,
Toi tu chanteras en occitan.
Et nous aurons des boulangers.
Tous les jours arriveront des gens !
Une île, un supercontinent
Où les mouvements tectoniques
Se feront extrêmement lents.
Oh comme rêver est cathartique !

Mais nous nous sommes assez bercées…
Là, ouvre les yeux doucement.
Nos récits doivent aussi lutter.
Divaguer n’est pas suffisant,
Mais désirer nourrit l’élan.
Joignons réel et chimérique,
Le monde est là qui nous attend.
Oh comme rêver est cathartique…

 

Illustration Garrowby Hill, 1998 de David Hockney